vendredi 27 janvier 2012

Capitaine Hollande, tu n’es pas de notre galaxie mais du fond de la nuit

La Galaxie de gauche, j’entends. Je me suis livré à l’occasion du passage retentissant (!?) à “des paroles et des actes” à un relevé systématique des mots, expressions, références employés par le candidat socialiste. Exercice fort fastidieux mais particulièrement instructif. Florilège sur 2 heures d’émission:

 

“Je” ou “moi-même” a été employé 251 fois. “Elle” pour sa compagne se manifesta à 5 reprises.

“Nous” 37 fois dont 6 fois pour désigner Sarkozy et lui et 3 fois pour désigner le gouvernement. Les autres fois “nous” précédait souvent “effort” et “solidarité”

Gauche a été employé 9 fois et “Front de gauche” 2 fois. “Droite” 3 fois.

“Parti socialiste” a été prononcé 1 fois et “socialiste” une autre fois pour se caractériser dans son soutien non officiel à Obama. “Communiste” à 2 reprises. “Socialisme” n’a jamais été prononcé quant à “social”, il ne fut employé par le candidat qu’au sujet des “normes sociales des produits chinois” tout comme “environnemental”. “Nucléaire” et “écologie” ne sont pas venus à la bouche de François, pendant plus de deux heures.

Les autres personnages de gauche, du passé comme du présent ? “Mitterrand” vint aux lèvres à 4 reprises après le comparatif des deux tribuns. “Jospin” débarqua face à Juppé à deux moments. A l’étranger, il fut question comme éminent socialiste de “G. Shröder”. Quant à Blum, Jaurès … ont-ils existé pour François ?

Merkel a eu droit à plus d’égard puisque nommée à 5 reprises.  Sarkozy fut finalement lâché 6 fois. Monti 1 fois. Jean Luc Mélenchon et A. Montebourg une fois. Obama 2. Bilan : Personnalités de droite citées à 12 reprises celle de Gauche 9 fois ! Jolie performance.

 

Doit on s’étonner de ne jamais avoir entendu Hollande hier prononcer les mots ou expressions suivantes ?

Travailleurs, employés, ouvriers, syndicat, salaire, Smic, justice sociale, partage des richesses, redistribution, développement, services publics, République (en dehors de Président de …), laïcité, relance (1 fois mais de façon péjorative), nation, révolution, transformation, droit sociaux, égalité, souffrance, peur du lendemain, pouvoir d’achat (1 fois du bout des lèvres).

“Les Français” furent évoqués une quinzaine de fois, souvent appelés à lu faire confiance. Les “salariés”  eurent droit à une dizaine de considérations. Quant à “peuple” il surgit 4 fois. Le “chômage” fut prononcé 9 fois, “précaire” une fois tandis que chômeur ne fut entendu qu’une fois”.

“Sécurité sociale” fut immédiatement suivi de “déficit” et de “financement”, la “retraite” fut prononcée 3 fois en une minute environ. Les fonctionnaires eurent droit à 4 citations, la Police, la Justice, la gendarmerie 3 fois chacun et éducation nationale lui vint 4 fois à la bouche. “Santé” “médecine”et “hôpital”, jamais cités ne sont pas prioritaires.

En revanche, “entreprises ou “sociétés” revint à 40 reprises, PME à 13, Banques à 16, industrie à 13, entrepreneurs à 3, redressement (des comptes) 9 fois. Ce n’est pas tout : “Dette” eut les honneurs du candidat à 12 occasions auxquelles il convient d’ajouter les 7 “dépenses publiques”, les 8 “redressements budgétaires” et les 6 “équilibres” (budgétaires) toujours, les 4 “déficits”. “Compétitivité” vint harmonieusement s’exposer à 5 reprises, et “coût du travail”autant de fois, tout comme d’ailleurs l’”effort” (ce dernier souvent suivi de “consenti par les Français”).

 

“Consommateur”, deux fois eut plus d’égard que “citoyen” une fois.

 

“PME et entreprises” étaient souvent encadrés par “charges sociales” ou “investissement” et“innovation” ( Près de 20 fois à eux deux) mais pratiquement jamais par “emploi” ou “travail”.

Le “système centralisé” fut dénoncé à 3 reprises tandis que les miraculeuses “régions” et “décentralisations” sont survenues 9 fois.  Tout cela dans un souci d’”efficacité” (environ 4 fois).

 

Fiscalité dut être prononcé plus d’une cinquantaine de fois mais le terme pris seul est peu significatif. En revanche la TVA (sociale ou non) revint 7 fois sur le tapis. Quant à la finance (qu’on attaque avec quoi d’ailleurs ?), elle préoccupa F Hollande à plusieurs reprises surtout sous l’appellation “banques” ou bien “marchés” 13 fois. Elle fut souvent associée à “paradis fiscaux” (3 fois) “produits toxiques” (3 fois) spéculation (6 fois) agence de notation (2 fois) mais jamais ou presque à “taxation”. “Capital” fut susurré à deux reprises.

 

Le monde de M Hollande peut paraître un peu étonnant : “Globalisation” “mondialisation” “marchandisation” ne l’ont pas préoccupé. Les pays évoqués furent l’Allemagne plus de 10 fois si on y associe Merkel, Etats Unis 1 fois, Afghanistan 2 fois, Chinois, 3 fois. Quant à Europe, BCE, traités, Fonds monétaire européen, UE, Bruxelles, ils totalisent ensemble environ 12 mentions.

 

Enfin les formules creuses et insipides furent légion, je n’en relève que quelques unes pour conclure : “Rassembler” 13 fois, “Confiance” 10 fois, Respect 9 fois,  “sans idéologie” 1 fois, “le passé ne m’intéresse plus” 1 fois, “page tournée” 3 fois, “changement” 2 fois.

 

On ne peut que relever la  pauvreté lexicale de l’ami Franois. Une vision du monde pour le moins étriquée. Un héritage de la Gauche tout juste esquissé. Un souci des travailleurs et des actifs très peu marqué. En revanche une attention particulière aux entreprises (grandes et petites). Et l’épouvantail finance qui sert à ramener les brebis égarées dans le troupeau socialiste. “Ah non je n’ai jamais dit “socialiste” !” Merci François.

dimanche 8 janvier 2012

Un Sondage, les commentaires et le mien

Des constantes.

 

Des journalistes politiques qui ne font toujours pas leur boulot sérieusement en se contentant de recracher des “sondages”. Ils n’en commentent que les résultats. Dernier exemple en date ce 8 janvier : un sondage place Hollande à 28 Sarkozy à 26, Le Pen à 19, Bayrou à 12, Mélenchon à 6, Joly à 3. Le reste étant insignifiant. France Inter, le Figaro, Le Monde, Libération et même France Culture entonnent en cœur le même refrain: Sarkozy remonte, Hollande “peine à capitaliser”, Le Pen reste “très haut”, Bayrou “retrouve ses électeurs de 2007” et “loin derrière…” Fort bien me direz-vous. Oui sauf que si l’on additionne la totalité des voix de gauche et des écologistes nous parvenons au score de 38%. Au deuxième tour F. Hollande l’emporterait avec 54% des voix.

Si l’on remonte dans les annales de la V° république, voici les scores de la gauche au premier tour de l’élection présidentielle :

Entre 65 et 69 : La gauche oscille entre 32 et 38 % au premier tour

Entre 74 et 2002 : La gauche oscille entre 48 et 53 % des voix au premier tour

En 2007, elle est à 38 % au premier tour.

Quant aux candidats de gauche présents au deuxième tour : Ils oscillent de 45% (Mitterrand en 65 face à De Gaulle) à 54 % ( Mitterrand toujours pour sa réélection en 1988).

Donc ce sondage si on y réfléchit plus avant nous dit : une gauche au fond du trou, dont le candidat en tête serait élu avec une avance inconnue jusqu’ici pour un candidat de gauche.

 

Je vous laisse le soin de méditer.

mercredi 22 juin 2011

Réconcilier la Marseillaise et l’Internationale

Telle est l’affaire. Le Front de Gauche ne doit avoir d’autres ambitions que de réunir ces deux parties de l’opinion publique. Parvenir à faire converger leur intérêts en rappelant que la république n’a de sens que si elle est sociale. Alter et les protectionnistes, républicains et révolutionnaires n’ont aujourd’hui plus d’intérêt à se chamailler : il est temps de s’unir pour contrer le libéralisme cocardier à l’œuvre presque partout. L’internationalisme ne peut se déployer sans souverainetés nationales. La république doit être comprise comme la gardienne des traditions mais aussi comme l’outil de transformation sociale.

Les damnés de la Terre sont aussi des patriotes. Du gaullisme social au communisme, de l’écologie citoyenne aux libertaires, ces familles doivent se fédérer pour sauver l’essentiel. Car l’ennemi actuel est polymorphe en mutation permanente. Pour le paralyser, il faut lui offrir un front de résistance le plus large possible. Ce front de résistance sera une force de convictions.

Lesquelles ? Elles sont avant tout démocrates, sociales, républicaines et écologistes. Ces étendards, nous les assumons de bout en bout. Il n’y a pas d’avenir pour la France sans leur sanctuarisation absolue.

Bien sûr, il y aura des divergences, par exemple sur le Nucléaire, certains seront plus sensibles à la défense du modèle républicains, d’autres plus concernés par le développement des filières courtes agricoles ou au développement des AMAP. Mais qu’importent au final ces diverses sensibilités puisque ce qui nos anime c’est d’abord la volonté de redonner la parole aux Français, c’est à dire rendre le peuple à nouveau souverain et maître de son destin. Car ce dont il s’agit c’est de reconquérir notre plus grand bien, la démocratie.

Vous direz peut-être que j’emploie là des grands mots, qui sonne creux. Mais observez avec moi que :

-Nous avons un président dont le pouvoir ne cesse de se renforcer et un parlement rendu aphone par la discipline de parti et impuissant par la dépossession de ses attributs. Un exemple actuel : la guerre en Libye. Ce n’est qu’en juillet que le parlement aura un premier débat sur le sujet, soit trois mois après  le déclenchement de l’opération par le seul président.

-Nous avons l’OTAN, carcan militaire qui dicte notre politique étrangère et nous aligne d’office sur les Etats-Unis.

-Nous avons l’UE et la commission de Bruxelles qui nous expliquent comment réaliser nos budgets nationaux.

- Nous avons la BCE et le FMI qui nous disent comment rembourser notre dette et qui gèrent en toute indépendance (indépendance vis a vis des  Etats bien sûr, pas du marché) notre monnaie.

-Nous recensons aussi les mégabanques, les multinationales, les fonds d’investissement, les agences de notation qui nous mettent à genoux. Ils décident du gel des salaires et amputent les retraites à leur guise.

Ce rapide état des lieux pour signaler que nous sommes peu a peu dépossédés, à nouveau dans les fers et bientôt asphyxiés. Jetons juste un oeil rapide sur la façon dont tournent les événements lorsque le peuple dit NON.

-2005, non au référendum 2007 resucée du même texte, traité de Lisbonne, on ne demande pas l’avis à la population

-Irlande, ratification de Lisbonne refusée par référendum. Un an d’après on revote.

- Grèce, refus du plan de rigueur, manifestations massives, abstention très forte aux élections, nouveau plan de rigueur, manifestations massives.

-Espagne : Indignés espagnols, aucune prise en compte officielle, relais médiatiques faibles. L’UE et les gouvernements nationaux passent outre.

-Italie : triple référendum, résultats sans appel. Berlusconi désavoué très massivement. Depuis rien ne bouge.

Il s’agit bien d’une régression démocratique qui est à l’œuvre partout en Europe, elle s’accentue partout.

- Les caméras deviennent omniprésentes, les passeports biométriques sont devenus la règle, les droits syndicaux sont remis en cause, combien de manifestants obligés de se débadger dès la fin des cortèges ? Des radars qui pullulent, des plages non fumeur.  Du fondamental à l’anecdotique, le principe est le même, il s’agit de surveiller, de contrôler les populations. Dans le même temps, la pression sur les mouvements de capitaux disparaît à la même vitesse. Libertés menacées.

-Egalité à éliminer. Les plus grosses entreprises du CAC 40 ne paient plus d’impôts en France, les plus grosses fortunes de même. La fraude fiscale sur la perception des cotisations sociales explose. Devant l’impôt plus d’égalité. Devant la justice c’est encore pire. Les comparutions immédiates pour les petits délinquants, les reports de procès pour les gros bonnets.

- Le tous contre tous a rendu plus chimérique encore le mince espoir de fraternité : Le privé contre le public, la victime contre le coupable, les classes moyennes contre les pauvres (et jamais les riches), les vieux face aux jeunes, les banlieusards contre les villes centre, les ruraux face aux urbains, les immigrés face aux Français, les beurs contre les gaulois…quelle abomination.

Beaucoup d’entre nous pensons encore démocratie. Nos réflexes sont démocratiques. Nous prenons la parole, affirmons nos idées sans crainte. L’acquis de notre jeunesse est pour ainsi dire préservé. Mais demain, les prochaines générations, gavées de consommable et privées de parole ?

Nous ne sommes pas encore en dictature certes, mais nous quittons la démocratie. Les barrières mentales, politiques et culturelles s’élèvent chaque jour. Avec elles, les incompréhensions, le désengagement, la méconnaissance des uns les autres grandissent. La population est atomisée, elle a perdu le sens du collectif, pas étonnant qu’on la dépouille de la chose publique.

“There’s no alternative” disent-ils…ils peuvent ^parvenir à nous le faire croire et ce jour là, ils auront gagné. Nous qui ne sommes plus rien que voulons nous ? Tout ! C’est-à-dire d’abord le droit de décider de notre avenir collectif.

mardi 21 juin 2011

Grèce : ce qui semble inéluctable

La voie est étroite pour celui qui cherche à faire de l’anticipation politique et économique. Il n’est pas rare que son récit, loin de se concrétiser, se transforme en délire fictionnel, à ranger dans la poubelle de l’histoire qui déborde.

Cela dit, la situation grecque actuelle se prêt bien à la tentative. C’est avec une anxiété non dénuée d’excitation que nous attendons toujours le “coup d’après”. Nous sommes, nous Français, encore en position de spectateur, mais nous risquons à tout moment de basculer et de devenir un pion du plateau.

Comme un jeu d’échecs nous avons 2 rois : Le roi blanc (pur et vaillant) c’est le marché, sa reine prend les traits de la BCE, ses deux fous, la France et l’Allemagne, ses cavaliers l’Espagne et l’Italie. Pour les tours on repère le FMI et l’armée. Parmi les pions on compte Papandréou, l’Eglise orthodoxe, les armateurs grecs, les banques hellènes, les agences de notation.

En face le Roi noir (sale et pestiféré) est le Léviathan formé à partir d’une foule de Grecs. Le reste de l’attelage est en revanche très composite, aux intérêts souvent contradictoires, mais doté d’une force de conviction telle qu’il est très contagieux. Purement réactif, il se nourrit des errements des pièces blanches.

Qui sont les joueurs ? Ou plus exactement qui peut jouer ? Qui peut jouer avec l’euro ? Voyons qui a tout intérêt à dissimuler ses propres misères en insistant sur celles des autres ? Voyons d’où vient à l’origine cette crise de la dette ? D’où provient ce mal  qui a causé l’explosion des dettes publiques dans toute l’Europe ? Sans blague, les Etats-Unis, nos plus fidèles alliés, come on se retrouve. Vous n’avez pas un petit souci avec votre dette, votre chômage, votre pauvreté, vos saisies immobilières ? Ah mais oui bien sûr. Mais comme vous avez aussi dans vos mains le dollar, Fitch, Moody’s, Standard and Poors, le FMI, vous essayez de vous gaver une dernière fois avant le précipice qui vous est promis.

Et l’autre joueur ? Qui a suffisamment de pognon pour jouer dans la cour des grands ? Qui cherche à se prémunir de l’effondrement US assuré ? Qui rachète de la dette grecque et y investit massivement ? Qui achète des bons du trésor européens plutôt qu’américains ? Empire du milieu sort de ton antre ! Ben oui quoi, la Chine en somme, le suspens était faible, je l’avoue.

Les Etats-Unis ont pris les blancs vous vous en doutez. La Chine quant à elle fait savoir qu’elle ne rechignerait pas à prendre les noirs pour peu qu’ils le lui demandent. Pour l’heure elle joue sa partition et saute sur toutes les bonnes occasions qui se présentent en rachetant à vil prix les pans entier de l’économie grecque en voie de privatisation massive.

Ainsi lorsque les Etats Unis recherchent le pat, les chinois anticipent le mat.

Car tous les pions blancs cherchent à gagner du temps. En espérant quoi ? Que l’attention reste focalisée sur l’Europe d’abord. Mais aussi pour laisser aux banques le soin de se délester progressivement de leur dette grecque en les revendant à la BCE. Une nouvelle fois on nationalise les dettes, en faisant d’une dette privée moisie une dette publique pourrie. Dans ces conditions, il est certain que l’Euro en pâtira, ce que souhaitent les US pour masquer la dégringolade du dollar. Car alors c’est la BCE elle même qui perdra toute crédibilité, elle sera contrainte pour maintenir l’euro à flots, de faire avaler des potions toujours plus amères à l’ensemble de la zone euro. Rigueur sur cure d’austérité suivie de plans de restructurations immédiatement purgés par une cure d’amincissement et de réduction des coûts.  Sinon, c’est la dévaluation et l’inflation, à savoir les deux piliers de la doctrine monétaire européenne qui s’effondreraient. Si la stratégie des blancs fonctionne c’est l’ensemble des peuples européens qui seront amenés pour plusieurs années encore à se serrer la ceinture provoquant ainsi certainement une très puissante exaspération populaire partout en Europe. La finance européenne tiendra encore officiellement le coup quoique sous perfusion du FMI et des Etats Unis. Les agences de notation deviendront des big brothers en puissance, elles veilleront sur nous, pauvres naïfs irresponsables mais pas innocents pour autant. Nous en baverons, mais nous ne sauverons pas pour autant les US. En mettant à genoux l’Europe, ils n’auront éliminé qu’un concurrent, le plus fragile.

Les noirs ont ils une chance d’emporter la partie ? Déjà c’est le mat qu’ils cherchent. Ils n’ont plus grand chose à perdre, à la différence du joueur blanc qui y joue sa suprématie. Les noirs, je vous le rappelle c’est le peuple grec, soutenu par des fractions hétéroclites d’Espagnols, de Portugais, d’Irlandais etc. Ils ont pour eux la détermination, la sensation très forte d’être victimes d’une injustice, d’une escroquerie globale. Ils sont persuadés d’être dans le sens de l’histoire. Ils sont prêts à gommer leurs divergences pour pouvoir reprendre leur destin en main. La purge d’une violence inouïe à laquelle ils sont contraints depuis plus d’un an et qui va s’accentuer encore ce soir avec le vote du parlement grec en faveur de la nouvelle cure, ne peut provoquer qu’un cataclysme social. Il est possible que la situation devienne insurrectionnelle, il est possible que les Grecs quittent massivement leur pays en ruines, il est possible que ça ravive des tensions nationalistes, quoi d’autre ? Mais que cela ne provoque pas un mouvement d’ampleur, un phénomène historique de premier ordre, c’est tout simplement impensable. Peut-on imaginer un seul instant que ces millions de personnes acceptent cela sans broncher. C’est leur condition d’hommes et de femmes libres qui est ainsi bafouée. Quel que soient le temps et la forme que cela prendra, il est certain que par un effet mécanique la réplique sociale sera de très grande envergure, en Grèce mais pas seulement.

Dans l’immédiat leur emprise sur les événements est assez faible, mais n’oublions pas que leur défaite actuelle sert aussi le joueur noir. Ce dernier les rachète et le moment voulu sera suffisamment fort pour renverser les alliances. Lorsque la situation dégénérera le joueur noir aura racheté aussi les pièces blanches sacrifiées par le blanc.

La crise nourrit la crise. Vous n’êtes pas s’en ignorer que la Grèce est à l’acte II e la tragédie,  que l’Irlande et le Portugal sont en voie de terminer l’acte I, que l’Italie et l’Espagne ont débuté la représentation. Ce qui se passe pour la Grèce actuellement va s’abattre d’ici peu sur ces pays. Les joueurs blancs et noirs poursuivront avec la même stratégie, mais progressivement les failles de la tactique blanche vont devenir de plus en plus visibles, tandis que la stratégie noire n’aura pas encore été dévoilée. La BCE, le FMI, l’Allemagne et la France se seront épuisés en chemin. Ne restera plus qu’un roi blanc fantoche (le marché) et le joueur éreinté.

Un peu comme durant la guerre froide, l’Europe redevient le terrain de jeu favori des deux grands. Les modalités de l’affrontement sont plus subtiles, et un des deux joueurs a changé. Mais demain c’est la Chine qui proposera un plan Marshall pour l’Europe car elle y trouvera son compte et l’Europe son refuge.

mercredi 8 juin 2011

République exemplaire, mon cul !

En un jour, à savoir ce mercredi 8 juin 2011, on découvre :

- Que l’ancien ministre et maire de Nice est entendu par le parquet sur une affaire de fraude au marché publics sur les hélicoptères.

-Que l’ancien ministre de l’agriculture D. Bussereau dépensait lorsqu’il était ministre plus de 20.000 euros mensuels en déplacement aériens.

-Que l’ancien ministre de l’éducation L. Ferry n’a pas donné un seul cours de philo de l’année mais a tout de même profité des 4.500 euros mensuels  dévolus à ce service. Et que ledit philosophe est reçu immédiatement à Matignon par un premier ministre qui traite en urgence des dossiers les plus chauds.

-Que le mari de la députée UMP Chantal Brunel est mis en examen pour blanchiment, faux et usage de faux pour financer la campagne de sa femme.

-Qu’Isabelle Balkany, défaite aux cantonales cherche à se faire une place au Sénat pour arrondir ses fins de mois, sans doute difficiles.

-Que le parti politique de tous ces braves gens, l’UMP a tenu ce même jour un débat sur la “justice sociale” en vilipendant les “assistés du RSA” qui nous coûtent tant ! En voulant leur imposer le STO, le travail gratuit et obligatoire ! Et nous appelons çà démocratie !

Mais pour le plaisir : Ferry qui balance il y a 3 jours le ragot sur le ministre pédophile de Marrakech, Brunel celle qui exigeait qu’on remette les immigrés dans le bateau, Estrosi qui a réindustrialisé la France avec ses frais de pressing à 7000 euros mensuels et qui a relancé le bâtiment avec ses appartements suspects, Balkany la sorcière des hauts de Seine et ses ordinateurs fantômes dans les collèges, son mari et son affaire de viol.

Les mots manquent, mais “indignation” est bien trop faible. Tout cela s’est déroulé en un jour! Et tout sera oublié en un jour…comme Mam, Woerth, Joyandet, Blanc, Dati…

 

Nous l’oublions au moment même où nous le lisons, comme ce bref article d’ailleurs.

jeudi 26 mai 2011

P.S. : enfin officiellement de droite !

On l’attendait depuis quelques temps mais cette fois ci  la couleur est annoncée clairement : en 2012 le PS tiendra un discours de droite. Le voile s’est levé cette semaine :

A moins d’un an des présidentielles, au moment où les primaires socialistes débutent, les deux principaux challengers dans la course à la candidature, Hobry et Aullande, n’ont rien trouvé de mieux que de soutenir la candidature de C Lagarde au FMI. La boucle est bouclée. C’est la confirmation de ce que tout le monde savait à savoir l’alignement pur et simple du parti socialiste au néolibéralisme globalisé. C’est la preuve irréfutable que le PS se réfère aux mêmes grilles de lecture budgétaires et macroéconomique que l’UMP. Réduction de la dépense publique comme seule réponse à l’endettement public, libre mais dans le même temps renflouement du privé par les fonds publics. Autrement dit la dépense publique pour le privé, les impôts pour le marché ! Car c’est bien cette politique qui a été menée par notre superbe Christine non ? Alors quoi, pour le PS cette femme mérite donc une promotion, histoire d’organiser la même arnaque à l’échelle mondiale. Non mais franchement comment les leaders de ce qui devrait être la gauche peuvent-ils tenir (et penser ?) des propos pareils ? Mais où sommes nous tombés ? Aubry, la tenante de “l’aile gauche du parti” pense même judicieux d’en rajouter : ce serait “une très bonne chose pour la France”. Ah oui, comprenez, je vois ce qu’elle veut dire, c’est qu’après l’affaire DSK il faut restaurer l’image de la France. Mais pour les Français, les Grecs, les Portugais, les Irlandais, les Britanniques est-ce une bonne chose Martine. De gauche, comme toi Martine, comme toi François,  je pensais  que le FMI et la politique Lagarde étaient pour vous des contre modèles. Mais je vois qu’il n’en est rien, vous prétendez être l’opposition en adoubant systématiquement la majorité. Ce n’est plus la gauche caviar, c’est la droite vaseline !

On pourrait déjà faire remarquer que FMI est en soi un organisme profondément antidémocratique et impérialiste (véto des Etats-Unis, surreprésentation des droits de vote de l’Europe et des Etats-Unis) voire d’asservissement des peuples (via les fameux plans de restructuration). Mais le PS ne dénonce plus depuis longtemps les travers caractéristiques de la “gouvernance mondiale”. Cela constitue déjà en soi un reniement des valeurs et principes de gauche. Même le citoyen de gauche le plus modéré est en droit d’entendre un discours qui pointe les limites de l’organisme et son pouvoir démesuré puisqu’il passe par delà la souveraineté des Etats en ayant pour alliés objectifs les marchés et leurs agences de notation.

On avait avalé la couleuvre DSK en 2007 en se disant qu’un “socialiste” à la tête du FMI c’était une lueur d’espoir. C’était surtout un lot de consolation pour un PS encore défait aux élections. Cela pouvait même laisser supposer que le nouveau président de la république était un homme magnanime doté d’un véritable “esprit d’ouverture”.

Aujourd’hui, nous ne pouvons accepter votre soutien à Lagarde, c’est une insulte à la gauche, à son histoire, à ses idéaux.

J’entends déjà les remarques des esprits les plus fins : le PS ce n’est pas qu’Hollande ou Aubry, c’est aussi des militants sincères, des Montebourg qui parlent de “démondialisation”. Oui certes, mais c’est gens là remplissent le même rôle que les blacks du FN, que les candidates voilées du NPA, que les “sociaux” de l’UMP. Ils sont là pour la photo, la caution. Ils servent, à leur insu, ceux qui les écrasent et les méprisent. C’est la (bonne) conscience de gauche du PS. S’il est honnête avec ses idées, Montebourg devrait rallier le front de gauche, voilà la vérité. Dans le cas contraire, sa campagne aux primaires ne serait qu’une opération communication du PS en direction du “peuple de gauche”. Ca a le mérite de coller aux dernières recommandations de Terra Nova : se concentrer sur les femmes, les jeunes, les minorités. Montebourg battu aux primaires et rallié ensuite, c’est pour le PS  affirmer que les attentes du peuple de gauche sont prises en compte dans le projet socialiste de 2012. C’est tenter d’obtenir un résidu du vote ouvrier et des CSP intermédiaires…sans rien changer quant au fonds des idées.

mercredi 18 mai 2011

Vieux pays cherche nouveaux repères

Un vieux pays est-il plus sage ? L’hexagone a perdu ses frontières et il en perd le nord. Cet article n’est qu’un modeste constat. Il cherche aussi à mettre en valeur le rôle essentiel des frontières dans le processus d’identification. Le sentiment d’appartenance commune s’écroule et nous laisse désemparés au sein du grand tout de la société globalisée uniformisée par le fric.

 

Ce qu’il convient d’appeler la culture est aux abonnés absents. Ce qui est censé nous rassembler dans les périodes de doute semble comme saisi de vertige. Les comiques n’ont jamais été aussi tragiques, ils nous font pleurer ou rire amèrement c’est selon. Ils ne se jouent plus des maux mais nous les balancent en pleine gueule. Voyez le théâtre et tâtez l’indifférence, voyez l’art contemporain et  mesurez le désintérêt, voyez la littérature et mesurez le nombril de son ego.  Quant à la “politique culturelle”, elle consiste désormais à placer les mêmes à la tête des différentes institutions relevant du ministère. L’exception culturelle, la défense de la langue française sont relégués au rang de débats poussiéreux et passéistes. Notre imaginaire est surpeuplé d’images et les contes mythes et légendes ne le structure plus.

Que reste-t-il au sport amateur aux équipes composées de régionaux ? Quelle identité pour les clubs de foot côtés en bourse, ou au Real de Madrid sans Espagnols sur le terrain ? Ce qui rassemble les foules est désormais déterritorialisé, hors sol. La récente polémique autour des “quotas dans le football” a pour origine le “problème de la binationalité”. Comment cela est-il devenu possible que des personnes nées ou éduquées depuis leur plus jeune enfance se comporte comme des mercenaires prêts à jouer pour une autre équipe nationale ? Parce que nous avons perdu nos frontières et par là le sens des limites.

Voyez les plaques minéralogiques et cherchez la provenance, le département, plus rien ou en minuscule comme pour mieux le nier. AInsi par la grâce de la bagnole sommes nous passés d’une échelle d’identification infra régionale à une échelle continentale. Par nos plaques d’immatriculation nous serions devenus des gens qui se pensent comme “européens”. Incroyable mais vrai. Le département lui même est appelé à disparaître.

Les communes doivent se fondre dans des communautés, échelon administratif doté de superpouvoirs et a-démocratique. A terme le processus d’identification à une commune s’estompe. Est-ce un mal ? Non, mais à condition qu’il puisse y avoir un autre moyen d’identification. Les grandes métropoles qui débordent dans des agglomérations aux contours toujours plus lointains, aux frontières plus incertaines. Où est la campagne, où s’arrête la ville ? Où sommes-nous ? Difficile de répondre.

Cherchez à identifier un pays, une région, un terroir plus rien. Entrez dans toutes les villes de France et vous aurez droit aux mêmes zones commerciales, aux mêmes enseignes. Pénétrez en centre ville et observez les rues piétonnes, l’architecture : Les mêmes de Nice à Lille de Brest à Strasbourg. De Paris à New York, de Lyon à Tallin. Gommons les différences. Ou feignons de le mettre en valeur : la tuile ou la couleur de la façade deviendront l’argument identitaire, cela donnera une “touche locale” une “coloration régionale”. Ah nous voilà bien avancés : Mais nos Leroy Merlin, nos Carrefours, nos Buffalo Gril, eux sont bien les mêmes.

Prenez les façades de mairies ou les photographies officielles des présidents. Combien de drapeaux ? toujours plus. Le Français bien sûr mais de plus en plus dissimulé, celui de l’UE en bonne place, et le régional voire l’infra régional. S’identifier à 3 drapeaux, avoir une tri-identité est-ce possible ? Non. Conséquence ? Aucune identification possible, ni la région, ni la France, ni l’Europe. Que reste-t-il ? Les racines ethnico-religieuses présumées.

Les aspérités doivent s’estomper dans les paysages et l’altérité des visages. Observez les pubs Benetton, parangon neomoderne du mélange et de la mixité, et voyez combien en dépit de la couleur de peau des modèles, chacun ressemble à son alter ego. Tous beaux, propres, minces, et HEUREUX. Y aurait-il un gêne de la mondialisation, une tendance  à l’homogénéisation sous l’impulsion du grand capital transnational ?

Voyez le champ de l’éducation, tout est dans le pluridisciplinaire, il faut croiser, connecter, mettre des liens, établir des réseaux, faire des ponts. La spécialité doit être bannie, les voies toujours moins spécifiques. C’est qu’il faut savoir faire plutôt que savoir. S’entendre avec la machine plutôt que se repérer dans l’espace et le temps. Savoir interpréter avant de pouvoir penser. Plus profondément, c’est le savoir qui est l’ennemi: Ce n’est pas affiché comme tel mais pour les possédants ( détenant le capital économique, social, culturel, imaginaire) le savoir est une menace car il permet de se prononcer, il est la condition d’une expression critique. Ne délivrons pas le savoir à chacun il pourrait mal en user, c’est à dire en user contre nous. Le savoir est donc moqué, ignoré, méprisé, ou travesti. Il doit céder la place au savoir-faire, à la compétence, bref à la technique. Qu’apprend on à nos enfants ? A croiser, à rebondir, à esquiver, à anticiper oui oui…c’est ce qu’il faut, de l’utile ! Mais à connaître ? Non merci. Pour savoir, il faut des cadres, des bornes, des frontières. Savoir faire c’est se débrouiller avec l’existant, se plier à lui, savoir s’adapter  et ce quel qu’il soit. Le savoir faire est une pédagogie de la renonciation. Une bombe silencieuse celle de l’indifférence et de la résignation.  Aujourd’hui il faut zapper, se déplacer, se jouer des frontières ? Et bien faisons !

La cellule familiale s’est décomposée et recomposée, les codes traditionnels ont disparu ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose… mais quoi pour les remplacer ? Les enfants hors mariage sont devenus la norme, les couple séparés sont en passe de le devenir. Ce qui n’était qu’exception est devenu la règle et quelle prise en compte ? La frontière entre la mort et la vie aussi est devenue confuse, les lois de bioéthique semblent un brin dépassées : à quelle semaine devient-on un être vivant ? Qu’est ce qu’ne personne maintenue artificiellement en vie, réduite à l’état végétatif. Où coule le Styx ? Cerbère a disparu et c’est l’humanité qui s’y perd.

Le champ politique est l’archétype de la tendance. Où réside la frontière entre la gauche et la droite, qui est populiste ou non, qui est souverainiste, protectionniste, libéral  ? La confusion règne partout, le désordre règne. La République ? La laïcité ? La démocratie ? La citoyenneté ? Des mots vidés de leurs sens, dont les contours s’obscurcissent, malmenés par les uns et les autres jusqu’à ne devenir qu’une ritournelle destinée à stimuler un résidu de conscience commune. Jaurès dans la bouche de Sarkozy puis dans celle de Le Pen, des républicains maurassiens qui pullulent. Allez-y les écrans de fumée,  brouillard et autres contrefeux.Bénies soient la triangulation et la quadrature du cercle !  C’est qu’il faut provoquer la confusion pour encourager l’ignorance. 

La frontière temporelle n’est pas la moindre à s’être brisée. Les révolutions de la communication ont achevé le temps de la contemplation. Au milieu des réseaux et des flux quel temps pour la poésie, l’épopée ? Quelle pause pour la mélancolie, la méditation ? L’instantanéité s’en est emparée.  Le “tout, tout de suite” n’est plus un vain mot, sur l’extrémité d’un écran tactile, le monde est à vos pieds. Vous en aviez rêvé, apple l’a fait. Vous voilà devenu maître et possesseur de la nature humaine. Tremblez avec les Japonais en direct assis sur vos chiottes, tuez Ben Laden depuis votre bagnole, béatifiez Jean Paul en chauffant votre casserole.

Le réel et le virtuel / le local et le mondial / la science et la technique / la vie et la mort/ la gauche et la droite/ l’individu et la famille / le régional et le national : Tous ces couples tendent à se défaire.

Et la transcendance ? Dieu s’est-il barré ? Partiellement seulement mais le dieu que d’aucuns cherchent aujourd’hui à rencontrer est le dieu des musulmans, des juifs ou des chrétiens. C’est un dieu de l’identitarisme religieux, il n’est plus Dieu pantocrator ni universel mais le dieu de “peuples” et il doit servir plus qu’on ne le sert. C’est un dieu arbitraire qui trace des frontières. C’est celui qui va conférer une identité à ses fidèles. La religion n’a pas disparu, loin s’en faut, mais elle n’a plus qu’un rôle sociologique. Réduite à n’être qu’un opium du peuple, à savoir le lien social des plus pauvres, des plus déracinés, des paumés. Dieu aussi se doit d’être utile. Croire ok mais qu’est ce que ça me rapporte ?

Une révolution citoyenne vite ! Une prise de conscience collective pour redonner du sens de la mesure, rebâtir nos frontières (géographiques mais pas seulement) et redéfinir ce que nous avons à faire ensemble. Rétablir un contrat.