mercredi 22 juin 2011

Réconcilier la Marseillaise et l’Internationale

Telle est l’affaire. Le Front de Gauche ne doit avoir d’autres ambitions que de réunir ces deux parties de l’opinion publique. Parvenir à faire converger leur intérêts en rappelant que la république n’a de sens que si elle est sociale. Alter et les protectionnistes, républicains et révolutionnaires n’ont aujourd’hui plus d’intérêt à se chamailler : il est temps de s’unir pour contrer le libéralisme cocardier à l’œuvre presque partout. L’internationalisme ne peut se déployer sans souverainetés nationales. La république doit être comprise comme la gardienne des traditions mais aussi comme l’outil de transformation sociale.

Les damnés de la Terre sont aussi des patriotes. Du gaullisme social au communisme, de l’écologie citoyenne aux libertaires, ces familles doivent se fédérer pour sauver l’essentiel. Car l’ennemi actuel est polymorphe en mutation permanente. Pour le paralyser, il faut lui offrir un front de résistance le plus large possible. Ce front de résistance sera une force de convictions.

Lesquelles ? Elles sont avant tout démocrates, sociales, républicaines et écologistes. Ces étendards, nous les assumons de bout en bout. Il n’y a pas d’avenir pour la France sans leur sanctuarisation absolue.

Bien sûr, il y aura des divergences, par exemple sur le Nucléaire, certains seront plus sensibles à la défense du modèle républicains, d’autres plus concernés par le développement des filières courtes agricoles ou au développement des AMAP. Mais qu’importent au final ces diverses sensibilités puisque ce qui nos anime c’est d’abord la volonté de redonner la parole aux Français, c’est à dire rendre le peuple à nouveau souverain et maître de son destin. Car ce dont il s’agit c’est de reconquérir notre plus grand bien, la démocratie.

Vous direz peut-être que j’emploie là des grands mots, qui sonne creux. Mais observez avec moi que :

-Nous avons un président dont le pouvoir ne cesse de se renforcer et un parlement rendu aphone par la discipline de parti et impuissant par la dépossession de ses attributs. Un exemple actuel : la guerre en Libye. Ce n’est qu’en juillet que le parlement aura un premier débat sur le sujet, soit trois mois après  le déclenchement de l’opération par le seul président.

-Nous avons l’OTAN, carcan militaire qui dicte notre politique étrangère et nous aligne d’office sur les Etats-Unis.

-Nous avons l’UE et la commission de Bruxelles qui nous expliquent comment réaliser nos budgets nationaux.

- Nous avons la BCE et le FMI qui nous disent comment rembourser notre dette et qui gèrent en toute indépendance (indépendance vis a vis des  Etats bien sûr, pas du marché) notre monnaie.

-Nous recensons aussi les mégabanques, les multinationales, les fonds d’investissement, les agences de notation qui nous mettent à genoux. Ils décident du gel des salaires et amputent les retraites à leur guise.

Ce rapide état des lieux pour signaler que nous sommes peu a peu dépossédés, à nouveau dans les fers et bientôt asphyxiés. Jetons juste un oeil rapide sur la façon dont tournent les événements lorsque le peuple dit NON.

-2005, non au référendum 2007 resucée du même texte, traité de Lisbonne, on ne demande pas l’avis à la population

-Irlande, ratification de Lisbonne refusée par référendum. Un an d’après on revote.

- Grèce, refus du plan de rigueur, manifestations massives, abstention très forte aux élections, nouveau plan de rigueur, manifestations massives.

-Espagne : Indignés espagnols, aucune prise en compte officielle, relais médiatiques faibles. L’UE et les gouvernements nationaux passent outre.

-Italie : triple référendum, résultats sans appel. Berlusconi désavoué très massivement. Depuis rien ne bouge.

Il s’agit bien d’une régression démocratique qui est à l’œuvre partout en Europe, elle s’accentue partout.

- Les caméras deviennent omniprésentes, les passeports biométriques sont devenus la règle, les droits syndicaux sont remis en cause, combien de manifestants obligés de se débadger dès la fin des cortèges ? Des radars qui pullulent, des plages non fumeur.  Du fondamental à l’anecdotique, le principe est le même, il s’agit de surveiller, de contrôler les populations. Dans le même temps, la pression sur les mouvements de capitaux disparaît à la même vitesse. Libertés menacées.

-Egalité à éliminer. Les plus grosses entreprises du CAC 40 ne paient plus d’impôts en France, les plus grosses fortunes de même. La fraude fiscale sur la perception des cotisations sociales explose. Devant l’impôt plus d’égalité. Devant la justice c’est encore pire. Les comparutions immédiates pour les petits délinquants, les reports de procès pour les gros bonnets.

- Le tous contre tous a rendu plus chimérique encore le mince espoir de fraternité : Le privé contre le public, la victime contre le coupable, les classes moyennes contre les pauvres (et jamais les riches), les vieux face aux jeunes, les banlieusards contre les villes centre, les ruraux face aux urbains, les immigrés face aux Français, les beurs contre les gaulois…quelle abomination.

Beaucoup d’entre nous pensons encore démocratie. Nos réflexes sont démocratiques. Nous prenons la parole, affirmons nos idées sans crainte. L’acquis de notre jeunesse est pour ainsi dire préservé. Mais demain, les prochaines générations, gavées de consommable et privées de parole ?

Nous ne sommes pas encore en dictature certes, mais nous quittons la démocratie. Les barrières mentales, politiques et culturelles s’élèvent chaque jour. Avec elles, les incompréhensions, le désengagement, la méconnaissance des uns les autres grandissent. La population est atomisée, elle a perdu le sens du collectif, pas étonnant qu’on la dépouille de la chose publique.

“There’s no alternative” disent-ils…ils peuvent ^parvenir à nous le faire croire et ce jour là, ils auront gagné. Nous qui ne sommes plus rien que voulons nous ? Tout ! C’est-à-dire d’abord le droit de décider de notre avenir collectif.

mardi 21 juin 2011

Grèce : ce qui semble inéluctable

La voie est étroite pour celui qui cherche à faire de l’anticipation politique et économique. Il n’est pas rare que son récit, loin de se concrétiser, se transforme en délire fictionnel, à ranger dans la poubelle de l’histoire qui déborde.

Cela dit, la situation grecque actuelle se prêt bien à la tentative. C’est avec une anxiété non dénuée d’excitation que nous attendons toujours le “coup d’après”. Nous sommes, nous Français, encore en position de spectateur, mais nous risquons à tout moment de basculer et de devenir un pion du plateau.

Comme un jeu d’échecs nous avons 2 rois : Le roi blanc (pur et vaillant) c’est le marché, sa reine prend les traits de la BCE, ses deux fous, la France et l’Allemagne, ses cavaliers l’Espagne et l’Italie. Pour les tours on repère le FMI et l’armée. Parmi les pions on compte Papandréou, l’Eglise orthodoxe, les armateurs grecs, les banques hellènes, les agences de notation.

En face le Roi noir (sale et pestiféré) est le Léviathan formé à partir d’une foule de Grecs. Le reste de l’attelage est en revanche très composite, aux intérêts souvent contradictoires, mais doté d’une force de conviction telle qu’il est très contagieux. Purement réactif, il se nourrit des errements des pièces blanches.

Qui sont les joueurs ? Ou plus exactement qui peut jouer ? Qui peut jouer avec l’euro ? Voyons qui a tout intérêt à dissimuler ses propres misères en insistant sur celles des autres ? Voyons d’où vient à l’origine cette crise de la dette ? D’où provient ce mal  qui a causé l’explosion des dettes publiques dans toute l’Europe ? Sans blague, les Etats-Unis, nos plus fidèles alliés, come on se retrouve. Vous n’avez pas un petit souci avec votre dette, votre chômage, votre pauvreté, vos saisies immobilières ? Ah mais oui bien sûr. Mais comme vous avez aussi dans vos mains le dollar, Fitch, Moody’s, Standard and Poors, le FMI, vous essayez de vous gaver une dernière fois avant le précipice qui vous est promis.

Et l’autre joueur ? Qui a suffisamment de pognon pour jouer dans la cour des grands ? Qui cherche à se prémunir de l’effondrement US assuré ? Qui rachète de la dette grecque et y investit massivement ? Qui achète des bons du trésor européens plutôt qu’américains ? Empire du milieu sort de ton antre ! Ben oui quoi, la Chine en somme, le suspens était faible, je l’avoue.

Les Etats-Unis ont pris les blancs vous vous en doutez. La Chine quant à elle fait savoir qu’elle ne rechignerait pas à prendre les noirs pour peu qu’ils le lui demandent. Pour l’heure elle joue sa partition et saute sur toutes les bonnes occasions qui se présentent en rachetant à vil prix les pans entier de l’économie grecque en voie de privatisation massive.

Ainsi lorsque les Etats Unis recherchent le pat, les chinois anticipent le mat.

Car tous les pions blancs cherchent à gagner du temps. En espérant quoi ? Que l’attention reste focalisée sur l’Europe d’abord. Mais aussi pour laisser aux banques le soin de se délester progressivement de leur dette grecque en les revendant à la BCE. Une nouvelle fois on nationalise les dettes, en faisant d’une dette privée moisie une dette publique pourrie. Dans ces conditions, il est certain que l’Euro en pâtira, ce que souhaitent les US pour masquer la dégringolade du dollar. Car alors c’est la BCE elle même qui perdra toute crédibilité, elle sera contrainte pour maintenir l’euro à flots, de faire avaler des potions toujours plus amères à l’ensemble de la zone euro. Rigueur sur cure d’austérité suivie de plans de restructurations immédiatement purgés par une cure d’amincissement et de réduction des coûts.  Sinon, c’est la dévaluation et l’inflation, à savoir les deux piliers de la doctrine monétaire européenne qui s’effondreraient. Si la stratégie des blancs fonctionne c’est l’ensemble des peuples européens qui seront amenés pour plusieurs années encore à se serrer la ceinture provoquant ainsi certainement une très puissante exaspération populaire partout en Europe. La finance européenne tiendra encore officiellement le coup quoique sous perfusion du FMI et des Etats Unis. Les agences de notation deviendront des big brothers en puissance, elles veilleront sur nous, pauvres naïfs irresponsables mais pas innocents pour autant. Nous en baverons, mais nous ne sauverons pas pour autant les US. En mettant à genoux l’Europe, ils n’auront éliminé qu’un concurrent, le plus fragile.

Les noirs ont ils une chance d’emporter la partie ? Déjà c’est le mat qu’ils cherchent. Ils n’ont plus grand chose à perdre, à la différence du joueur blanc qui y joue sa suprématie. Les noirs, je vous le rappelle c’est le peuple grec, soutenu par des fractions hétéroclites d’Espagnols, de Portugais, d’Irlandais etc. Ils ont pour eux la détermination, la sensation très forte d’être victimes d’une injustice, d’une escroquerie globale. Ils sont persuadés d’être dans le sens de l’histoire. Ils sont prêts à gommer leurs divergences pour pouvoir reprendre leur destin en main. La purge d’une violence inouïe à laquelle ils sont contraints depuis plus d’un an et qui va s’accentuer encore ce soir avec le vote du parlement grec en faveur de la nouvelle cure, ne peut provoquer qu’un cataclysme social. Il est possible que la situation devienne insurrectionnelle, il est possible que les Grecs quittent massivement leur pays en ruines, il est possible que ça ravive des tensions nationalistes, quoi d’autre ? Mais que cela ne provoque pas un mouvement d’ampleur, un phénomène historique de premier ordre, c’est tout simplement impensable. Peut-on imaginer un seul instant que ces millions de personnes acceptent cela sans broncher. C’est leur condition d’hommes et de femmes libres qui est ainsi bafouée. Quel que soient le temps et la forme que cela prendra, il est certain que par un effet mécanique la réplique sociale sera de très grande envergure, en Grèce mais pas seulement.

Dans l’immédiat leur emprise sur les événements est assez faible, mais n’oublions pas que leur défaite actuelle sert aussi le joueur noir. Ce dernier les rachète et le moment voulu sera suffisamment fort pour renverser les alliances. Lorsque la situation dégénérera le joueur noir aura racheté aussi les pièces blanches sacrifiées par le blanc.

La crise nourrit la crise. Vous n’êtes pas s’en ignorer que la Grèce est à l’acte II e la tragédie,  que l’Irlande et le Portugal sont en voie de terminer l’acte I, que l’Italie et l’Espagne ont débuté la représentation. Ce qui se passe pour la Grèce actuellement va s’abattre d’ici peu sur ces pays. Les joueurs blancs et noirs poursuivront avec la même stratégie, mais progressivement les failles de la tactique blanche vont devenir de plus en plus visibles, tandis que la stratégie noire n’aura pas encore été dévoilée. La BCE, le FMI, l’Allemagne et la France se seront épuisés en chemin. Ne restera plus qu’un roi blanc fantoche (le marché) et le joueur éreinté.

Un peu comme durant la guerre froide, l’Europe redevient le terrain de jeu favori des deux grands. Les modalités de l’affrontement sont plus subtiles, et un des deux joueurs a changé. Mais demain c’est la Chine qui proposera un plan Marshall pour l’Europe car elle y trouvera son compte et l’Europe son refuge.

mercredi 8 juin 2011

République exemplaire, mon cul !

En un jour, à savoir ce mercredi 8 juin 2011, on découvre :

- Que l’ancien ministre et maire de Nice est entendu par le parquet sur une affaire de fraude au marché publics sur les hélicoptères.

-Que l’ancien ministre de l’agriculture D. Bussereau dépensait lorsqu’il était ministre plus de 20.000 euros mensuels en déplacement aériens.

-Que l’ancien ministre de l’éducation L. Ferry n’a pas donné un seul cours de philo de l’année mais a tout de même profité des 4.500 euros mensuels  dévolus à ce service. Et que ledit philosophe est reçu immédiatement à Matignon par un premier ministre qui traite en urgence des dossiers les plus chauds.

-Que le mari de la députée UMP Chantal Brunel est mis en examen pour blanchiment, faux et usage de faux pour financer la campagne de sa femme.

-Qu’Isabelle Balkany, défaite aux cantonales cherche à se faire une place au Sénat pour arrondir ses fins de mois, sans doute difficiles.

-Que le parti politique de tous ces braves gens, l’UMP a tenu ce même jour un débat sur la “justice sociale” en vilipendant les “assistés du RSA” qui nous coûtent tant ! En voulant leur imposer le STO, le travail gratuit et obligatoire ! Et nous appelons çà démocratie !

Mais pour le plaisir : Ferry qui balance il y a 3 jours le ragot sur le ministre pédophile de Marrakech, Brunel celle qui exigeait qu’on remette les immigrés dans le bateau, Estrosi qui a réindustrialisé la France avec ses frais de pressing à 7000 euros mensuels et qui a relancé le bâtiment avec ses appartements suspects, Balkany la sorcière des hauts de Seine et ses ordinateurs fantômes dans les collèges, son mari et son affaire de viol.

Les mots manquent, mais “indignation” est bien trop faible. Tout cela s’est déroulé en un jour! Et tout sera oublié en un jour…comme Mam, Woerth, Joyandet, Blanc, Dati…

 

Nous l’oublions au moment même où nous le lisons, comme ce bref article d’ailleurs.