mercredi 21 octobre 2009

L'Histoire aujourd'hui II: la sacralisation du patrimoine


L'époque contemporaine dans notre Europe vieillissante cherche à nous rendre "palpable" l'Histoire. "Goûter" au plaisir de notre Histoire comme un œnologue le ferait pour le vin, relève du savoir-vivre. Non, qu'il faille faire de l'Histoire dans sa tour d'ivoire, mais tout de même que nous donne-t-on à "voir"? Le patrimoine et ses Journées, sont nos églises, nos temples actuels. Sacrés, inviolables, entretenus, choyés. Au moindre de nos pas, une plaque commémorative, une façade "digne d'intérêt", un trésor mésestimé. Chaque année, des millions de "curieux" effectuent leur pèlerinage vers les lieux saints, toujours plus nombreux, soigneusement dépoussiérés pour l'occasion.

C'est que, cher lecteur, l'Histoire, pour notre petit peuple, doit être accessible. Faut pouvoir la "sentir", la "voir", l'"entendre". Chercher à la comprendre n'a que peu d'intérêt, il se pourrait même que cela soit dangereux. Le patrimoine est le média sensitif le mieux adapté à une époque de l'immédiateté. Il est là, toujours présent, immuable parfois, ses portes sont ouvertes.

Sa restauration et son entretien voire sa colorisation n'en sont que la partie émergée. Déjà, le patrimoine tel que nous le connaissons, relève plus de l'art que de l'histoire. Ce qui fait le succès, n'est ce pas sa beauté, sa splendeur, son caractère, ou pire son authenticité synonyme ici d'accessit à la Vérité. Ce qui demeure d'une époque c'est d'abord ce qui est solide : On trouve plus de palais que de maisons en torchis de nos jours. Les bidonvilles européens ont disparu, et curieusement personne ne s'est battu pour en laisser quelques traces afin d'élargir le patrimoine. Que conserve-t-on sinon ? ce qui est utile évidemment. Ainsi des aqueducs romains à la différence de leurs temples païens. Ce qui était un ouvrage technique devenu inutile quelques siècles plus tard se transforme alors en art, témoignage du génie d'une civilisation. Sinon, que garde-ton ? Ce qui a de la valeur, ou plutôt, beaucoup de valeur. Pour cet aspect, on a toujours fait confiance aux héritiers, et ça fonctionne : Il est tout aussi, voire plus difficile de mettre la main sur une bêche du XVI° siècle que sur une amulette en or d'une quelconque princesse égyptienne. Enfin, une société cherche à protéger ce qu'elle perçoit comme étant beau. Le beau, jusqu'à peu, c'était l'art. Jusqu'au XVI° siècle, la prodution était jugée bien plus importante que l'artiste, souvent plus méprisé et courtisan qu'intellectuel reconnu.

Autrement dit, que nous reste-t-il matériellement ? Ce que nos prédecesseurs ont jugé important, ce qui était extraordinaire, ce qui finalement n'était pas leur propre histoire. On pourrait même aller plus loin : les images d'archives avant que l'outil caméra ne devienne un bien de consommation courante, sont plus que trompeuses. Bien peu de Russes en 1917 avaient ne serait-ce qu'une idée du visage de Lénine, ce qui n'a pas empéché le communisme. Les frères Lumières et les premiers cinéastes sont aller filmer l'entrée en gare de trains non parce que cet événement était quotidien mais parce qu'il était encore, pour beaucoup, un phénomène inconnu. On célébrait bien à cette occasion le génie d'une civilisation et d'une époque. Les premières photos ont montré les barricades de 1848 à Paris et de fait le XIX° siècle est aujourd'hui celui des révolutions. Pas sûr que Charles X ou Napoléon III l'ait compris comme tel.

Que l'on ait, au travers du patrimoine, une vision tronquée de l'Histoire, relève de l'évidence. Que celle-ci soit falsifiée par l'omniprésence du premier est problématique. Le patrimoine, à la différence de l'histoire est présenté de façon horizontale. Les siècles s'entrechoquent, la chronologie s'efface, les témoignages s'insèrent dans un passé informe, où la profondeur du temps n'a pas sa place. En traversant une rue, ou en descendant un étage, nous parcourons des siècles.

Les restaurateurs, les muséologues, les archéologues sont d'ailleurs confrontés à un dillemme quotidien : quelle image présenter au public ? Le Versailles que l'on nous montre doit il être expurgé de ses apports Louis XVI, faut il effacer les voutes brisées gothiques de telle cathédrale pour revenir à ses berçaux romans ? Mieux, faut-il recréer les sculptures de tel cloître, ou repeindre en couleurs criardes les façades antiques des palais ? Relever toutes les pierres du forum romain ? Faut-il franchir le pas de la reconstitution ? Pour quelle raison ? Un siècle vaut-il mieux qu'un autre ?

En tout cas, il faut pré-ser-ver. Ah çà oui, à tous prix. Autrement dit, il faut statufier, muséîfier, momifier, conserver ou rajeunir, effecer les atteintes du temps, gommer les imperfections, bref effacer l'Histoire. Ce qu'il nous est donner à voir et présenté comme un joyeau inestimable, n'appartient à rien ni à personne. Le patrimoine n'est pas le produit d'un peuple, d'une civilisation, il ne connaît ni propriétaire, ni héritier. Il est libre de droit, comme le sont les oeuvres musicales de plus de 50 ans. Il n'a d'intérêt historique véritable que si les ajouts, les manques, les transformations, les blessures du temps y sont visibles. Le patrimoine est une contre-histoire visant à nourrir notre imaginaire en vue de s'approprier un passé décontextualisé.

Le patrimoine est avant tout une politique, une reconstitution fidèle. Si l'Histoire est un essai, le patrimone est un roman. Une narration aventureuse peuplée de personnages quasi légendaires (Ah le pauvre duc de Guise dans le château de Blois, et ces mannequins de cire qui habitent encore les prisons de la conciergerie, faudrait songer à les reloger, à côté de Dati à Grévin)
Cette culture là est gratuite (parfois), accessible à tous. Avoir recours aux visites guidées, aux formulaires copieux ou encore aux guides touristiques constituent le must du "curieux" qui se fait alors "historien amateur" ou "érudit"...voire ! Il faut vivre avec son temps mais l'histoire chevillée au corps. Le patrimoine, c'est nous.

mardi 13 octobre 2009

Le pontificat de Nicolas Borgia


Le pape Alexande Borgia vous connaissez ? Ce souverain pontife du XV° siècle (connu sous le nom de "règne" Alexandre VI) fut célèbre pour son népotisme. Neveux, Frères, Oncles, Cousins et amis de ce brave homme furent tous placés aux plus hauts postes, laïcs ou ecclésiastiques, dans l'Europe entière et particulièrement en Espagne, sa contrée d'origine. Son pontificat se confondit avec l'idée de "décadence" de l'Eglise : réceptions orgiaques, dépenses faramineuses, piètre connaissance des Ecrits... que dénonceront bientôt les fameux protestants.
Il fallut attendre le XXI° siècle pour qu'arrive enfin un Nicolas Borgia et en France ! Cela, à vrai dire, manquait. Les Français s'étaient trop habitués à être gouvernés par des hommes et des femmes, qui, s'ils n'étaient pas aussi verutueux que l'Incorruptible, avaient eu, dans leur éducation et/ou leur parcours professionnel, l'occasion de comprendre ce que put être l'intérêt général. Souvenez vous, des ministres démissionnaires ! Songez y, des référendums !Pensez y, des lois qui n'étaient pas appliquées en raison de contestations massives ! Rappelez vous, des radios libres !
Toutes ces pratiques nauséabondes ont disparu. Rien de tel, c'est inenvisageable, impossible, ridicule.
Notre pape à nous place ses amis racistes à l'intérieur, son pote adepte de tourisme sexuel, à la culture, son fiston à l'aménagement de la Défense, permet à ses amis de la télephonie mobile de se partager seuls le marché, pour d'autres, il autorise le pari en ligne, pour les deniers, il cherche à refourguer ses rafales. Enfin, pour ceux de son parti, il redécoupe les territoires. Son aïeul plaçait ses neveux évêques puis cardinaux, d'autres membres de sa famille se voyaient offrir des prébendes prestigieuses à la tête d'abbayes propriétaires de terres immenses. Les pratiques sexuelles, que d'aucuns auraient pu considérer comme déviantes, étaient tolérées, si ce n'est encouragées. Bien sûr, tout homme qui se dressait contre lui était immédiatement jugé "coupable" avant même que son procès n'ait lieu. Le vieux Borgia n'hésitait pas, non plus, à agiter le hochet de la croisade et pensait sans doute qu'avec un seul infidèle, pas de problème, mais quand il y en a beaucoup...
Il y a quelques lettres persanes qui se perdent...
Mais l'élève dépasse le maître car ce denier ne se parait (au sens de se parer) nullement d'un voile hypocrite de vertu. Le successeur affirme agir pour moraliser son joujou à lui : le capitalisme. Son ancêtre aurait trouvé indécent d'affirmer qu'il songeait à moraliser l'Eglise. D'une part en raison de l' hilarité générale que cela aurait provoqué, mais surtout parce que son joujou, l'Eglise revendiquait une morale.

Lui est là pour "régler les problèmes", puisqu'il est bien connu qu'il n'en crée pas. Toutefois, Alexandre se permit ces excès dans une période d'expansion économique, démographique, de grandes découvertes, de redécouvertes des savoirs, de révolution artistique. Lui non, il agit en période de crise, de récession, sous fonds d'aggravation des inégalités, d'explosion du chômage, en période de déclin politique européen.
Alors, pas de protestants à attendre, ni à craindre. Ce qui surviendra surprendra mais décidément, il y a quelque chose de pourri dans le royaume des Borgia.