jeudi 21 octobre 2010

Mais, que se passe-t-il ? Et que faire ?

Un mouvement protéiforme, décentralisé, largement autonome et au delà des barrières syndicales et générationnelles se diffuse dans toute la France. L’action au début centrée sur les raffineries et les lycées se déplace dans d’autres secteurs. Les centrales syndicales sont contraintes de suivre et s’apprêtent à une nouvelle journée d’actions prévues au cœur des vacances de Toussaint.

Les revendications commencent à s’élargir : Si la contre-réforme des retraites demeure le point nodal , les slogans des manifestants et des grévistes sont bien plus vastes…et les médias commencent à s’en faire l’écho. La contestation sociale devient politique. Le chef de l’Etat en personne est visé, sa démission ou des législatives anticipées sont ouvertement évoquées. 

Ce qu’il y a de malheureux pour ce mouvement est qu’il ne parvient pas à désigner le réel coupable. Rappelons nous l’hiver 2009, 3 grandes journées d’actions avaient rassemblé plusieurs millions de personnes “contre la crise”. En désignant aujourd’hui le président, le mouvement de contestation n’attaque pas le symptôme mais le symbole. Notre marionnette en chef et sa politique ne sont qu’une courroie de transmission parmi d’autres de la stratégie du choc chère à N. Klein. Et la contre-réforme des retraites qu’une des mises en pratique concrète de l’huile de foie de morue indigeste et non curative de la logorrhée néolibérale.

C’est bien plus dans une redéfinition du partage du travail à l’échelle mondiale, dans une remise à plat de nos modes de consommation ou dans une nouvelle législation des échanges, qu’une alternative peut-être envisagée . Un changement de tête au sommet de l’exécutif national n’aurait, in fine, que peu de conséquences (si ce n’est un immense orgasme collectif). Une autre tête lui succèdera… qui sera soumise aux mêmes injonctions venues des marchés.

Alors bien sûr le saut opéré par les manifestants (du problème des retraites à la volonté d’en découdre avec NS) n’est pas inintéressant, mais il faut de suite aller plus loin et remettre en question le fonctionnement de l’économie française, européenne et éventuellement mondiale pour disposer d’un corpus politique cohérent à même de contrecarrer les puissances actuellement à l’œuvre.

Voyez la Grèce et son austérité, voyez l’Espagne et sa dépression, voyez l’Irlande épuisée, observez les Etats-Unis chancelants, écarquillez vos yeux devant l’offensive Cameron en Grande-Bretagne et jetez un œil pour finir à la France. Vous voyez, l’Europe et l’Occident s’appauvrissent, les droits sociaux régressent, les services publics sont essorés, les allocations largement restreintes. La cure d’austérité sans précédent qui affecte l’Europe n’est que la conséquence de la dérégulation économique totale qui rend le moins disant social et fiscal maître du jeu global. Après en avoir été les initiateurs, il y a fort à parier que les “Occidentaux” soient les grands perdants de la mondialisation. Notre apogée prend fin et nous nous battons pour le monde d’hier en défendant nos retraites.

Entendons-nous bien, ce que je veux dire par là c’est qu’effectivement les conditions économiques globales actuelles ne permettent plus l’entretien d’une sécurité sociale (au sens large) de qualité. Evidemment, ce n’est pas une raison pour accepter cette régression sociale, mais au mieux, cela aboutira à une remise en cause encore plus brutale dans quelques années  et ce quel que soit le président. En d’autres termes, notre appauvrissement relatif (ou absolu) nous oblige à redéfinir un projet économique. Les cadres qui structuraient la société post deuxième guerre mondiale se sont tous effondrés. Il n’y a plus de mythe fédérateur qui soit porteur d’avenir. Nous défendons nos retraites, mais nous n’anticipons pas. Nous voilà confinés dans le rôle de conservateurs du patrimoine social. Ils auront beau jeu de nous mettre ensuite au musée.

Car il faut bien dire qu’hormis le plus de croissance (et son double inversé, la décroissance), il n’existe pas de projet économique. Comment penser une économie au service de ceux qui la font et non au service de ceux  qui en dispose ? L’économie peut-elle servir l’intérêt général et comment ? Comment le politique peut-il faire rimer développement économique et social ?  Comment se fait-il que ces questions ne soient pas posées au delà de cercles militants restreints alors que tout concourt J’y reviens une fois de plus, mais pour qu’il y ait projet économique, il faut une volonté politique.

C’est pourquoi le mouvement de contestation ne doit pas être porté uniquement par les centrales syndicales. Mais qu’attendent les chanteurs pour organiser des concerts dont les fonds récoltés seraient redistribués aux grévistes? Mais qu’attend la gauche pour tenir des meetings unitaires dans des stades bondés? Mais qu’attendent les réalisateurs et les poètes pour élargir le champs des possibles, pourquoi les philosophes nous offrent-ils si peu de grilles d’analyse conceptuelle ? En vérité, ils ont peur d’entrer dans la bataille, peur car non instigateurs. Vous en avez entendu un seul s’exprimer ? Rien, personne hormis ce qu’il est convenu d’appeler l’opposition parlementaire. Et face à ce néant, les éditos se poursuivent et s’enchaînent dans le “cercle de raison” qui stipule que rien ne doit mettre en péril la bonne gouvernance. Les éditos puants du Monde, les bassesses du Figaro, le poujadisme latent d’Europe Un ou de RMC info distillent à longueur de journée leur saloperie estampillée MEDEF UMP. Et le premier d’entre les Français qui nous refait le coup du “on n’a pas le droit de prendre en otage des gens qui n’y sont pour rien”…à croire qu’il veut qu’on le prenne lui en otage… et pour de vrai.

Quelque chose d’indicible flotte dans l’air, mais personne n’ose véritablement s’en emparer.

Il faut déjà sauter sur l’occasion pour rappeler que ce ne sont pas les fonctionnaires ou les arabes qui appauvrissent le pays mais les banquiers et autres traders. Que les grandes fortunes n’effectuent pas leur devoir de solidarité en obtenant des privilèges fiscaux. Qu’il nous faut une nouvelle nuit du 4 août. Mettre les choses au clair, rappeler que ce qui se joue n’est rien d’autre qu’un nouvel épisode de la lutte des classes. Réforme validée ou non, demain la précarité de l’emploi,  le chômage l’endettement des ménages et des Etats continueront de s’accroître.Demain les usines délocaliseront encore, demain les mal logés seront plus nombreux, demain les restos du cœur serviront toujours plus de repas, demain des sans-domiciles mourront de froid. Demain, les impôts augmenteront, comme les cotisations ou le prix des PV. Demain toujours, demain encore, l’ISF sera abrogé, demain des professeurs stagiaires démissionneront, demain des emplois publics seront supprimés, demain les hôpitaux fusionneront, demain la Poste fermera des agences, demain l’amiante continuera à tuer, demain les sans papiers laveront vos couverts dans les restos où passeront l’aspirateur dans votre hôtel.

Nous en sommes au stade infantile de la contestation. Il faut débloquer les cerveaux tout en bloquant les raffineries. Il va nous falloir grandir vite et viser juste. Défilons plutôt dans le XVI° arrondissement et à St Jean Cap Ferrat. Bloquons les transporteurs de fonds plutôt que les dépôts alimentaires. Arborons un insigne pour nous rencontrer et nous compter. Marquons notre désaccord au quotidien, en tous lieux.  C’est fondamental.

lundi 18 octobre 2010

Retraites : une lutte fraternelle et porteuse d’espoir collectif

Enfin ! Enfin, il se passe quelque chose en France ! Face à la crise qui persiste, face aux politiques néolibérales éculées, malgré la paupérisation qui se profile, en dépit de toutes les inerties, la France est en mouvement.

Pourtant, on ne parle plus que de pénurie, de blocage. De ce spectre de la paralysie qui menace. Trains annulés, essence en rade, lycées perturbés… Le moment est crucial dit-on.

Dans le même temps, le système D se déploie, les caisses de solidarité se mettent en place, l’imagination prend peu à peu le pouvoir. Non pas le pouvoir politique mais le pouvoir au quotidien, dans la vie de chacun. Bien sûr, il y aura des râleurs, ceux qui expliqueront qu’ils vont devoir mettre la clef sous la porte, mais pourtant.

Pourtant, ce qui pourrait s’annoncer, c’et une formidable expérience humaine, collective et un brin frondeuse. Comme un clin d’œil à la réalité. Voyez, je n’ai plus d’essence mais je survis. On fait du covoiturage, on redécouvre sa vieille paire de patins à roulettes, la promiscuité des bus. Les Vélib pris d’assaut, sont mis gratuitement à la disposition des Parisiens…

Prenez le front populaire, tous ont décrit un moment formidable et fraternel. La joie de vivre. Même les patrons se sont avoués “subjugués” face à un mouvement collectif, impossible à arrêter. Prenez les grèves de 95, tous ont survécu et de nombreux parisiens en gardent un souvenir ému, d’autres rapports s’établirent entre voisins, entre patrons et employés, on se se saluait dans la rue. Une entente complice régnait. Bien sûr l’impact économique fut important, mais l’aventure humaine, partout, a tout emporté.

A chaque fois que ce type d’événement surgit, nous avons deux configurations possibles:

- Soit la grève est impopulaire, et les usagers excédés exercent une pression terrible sur les grévistes.

- Soit elle est populaire car le sentiment général est que ce combat est légitime et majeur.

Or, ici, avec le mouvement opposé à la contre-réforme des retraites, l’opinion publique soutient largement le mouvement. Légitime et majeur, oui ce conflit l’est.  Pour la très grande majorité des Français, c’est au gouvernement de reculer. Lui qui cède constamment devant le pouvoir de la finance, lui qui cède face aux instances européennes, lui qui se sert avant de servir, lui ne reculerait pas devant des millions de Français qui éprouvent un fort sentiment d’injustice sociale ? La tour d’ivoire doit céder, et s’il faut en arriver à la paralysie du pays et bien, tant pis !

Les parents disent à leurs gosses de manifester pour eux

Des policiers soutiennent ouvertement les blocages des lycées

Les routiers viennent en aide aux raffineurs.

Je pense que le peuple français consentirait au blocage du pays, ce n’est pas le manque d’essence dont on a peur, c’est que l’injustice ne s’accroisse trop. Mais ce qui est extraordinaire, c’est que, pour paraphraser notre Winston d’outre Manche, «Jamais, dans l'histoire des guerres, un si grand nombre d'hommes n'ont dû autant à un si petit nombre.» Il parlait des pilotes de la RAF durant la bataille d’Angleterre en 1940-41. Oh, certes nous ne sommes pas en guerre et nous ne combattons pas le nazisme; ce n’est pas le sens de ma comparaison. Non, mais remarquons combien le devenir d’un mouvement social qui mobilise des millions de Français dépend de si peu d’hommes, les employés qui de près ou de loin travaillent dans les transports et la filière pétrolière.

Alors, que leur dire ? Que nous comptons sur eux bien sûr, mais qu’ils peuvent et doivent compter sur nous autres. Nous ne serons pas de simples moutons dans cette affaire. Notre combat est juste et légitime, il est emblématiques de toutes les luttes. Ne laissons pas, une fois de plus l’Histoire se faire sans nous, entrons-y !

samedi 9 octobre 2010

Imaginez un métier

Oui essayons d’imaginer un métier où vous devez satisfaire environ 160 clients par semaine. Toutes les deux semaines, l’examen du dossier de chaque client, vous prend dix minutes. Vous êtes contraints d’effectuer ce travail chez vous car vous ne disposez pas de bureau sur votre lieu de travail. Imaginons également que la famille proche de ces clients doit aussi être satisfaite du service rendu. Précision : vous ne choisissez pas votre clientèle, et vous ne pouvez en changer en cours de route. Celle-ci peut être courtoise, parfois vulgaire et injurieuse, ou même violente physiquement. En cas de difficulté, vous n’avez pas accès à la médecine du travail.

On pourrait même envisager que ce métier exige que vous retraciez chaque soir sur le net le compte-rendu de vos entretiens avec vos clients. Ce job serait ainsi le premier à être  parfaitement transparent, un peu à l’image du panoptique de Foucault. Mettons également l’hypothèse que chaque année l’employé devra établir son parcours annuel prévisionnel. Mais quel peut bien être ce métier mystère où le travailleur est à ce point infantilisé ?

Prêtons nous à rêver en fantasmant que ce métier est aussi évalué au quotidien par deux personnes, qui ont la haute main sur vos horaires de travail et leur aménagement. La progression salariale serait également lente et soumise à un autre évaluateur, qui vous connaît très mal. Celui-ci viendrait à intervalles irréguliers mais toujours très espacés. Avant de vérifier la qualité de votre travail, il papoterait quelques instants à votre sujet, dans votre dos évidemment, avec l’un des deux chefs déjà évoqués.

Ah, je risquais d’oublier quelques menus détails : vous avez une probabilité toujours plus grande d’exercer sur plusieurs lieux de travail, sans être remboursé de vos frais de déplacement et sans disposer de tickets restaurants. On pourrait aussi corser le tout en disant que l’employeur est seul maître de vos jours de congés. Et comme décidément ils n’en valent pas la peine, on leur supprimerait toute formation initiale. Quant à la formation continue, elle se raréfie et devient quasi inaccessible. On leur proposera donc de se former sur leur temps de vacances.

L’exercice de ce métier vous rapporterait la bagatelle de 16 KEuros annuels, soit un salaire mensuel d’environ 1350 euros, assorti d’aucune prime ni de treizième mois. Imaginons aussi qu’il faille être détenteur d’un master soit un bac plus 5 pour prétendre à l’exercice de ce métier. Cela donne envie ?

Oui ? Alors continuons : Imaginons que ces employés soient livrés en permanence à la vindicte populaire, qu’on les accuse d’être des nantis paresseux, qui coûtent trop cher. Imaginons qu’on en vienne à les noter professionnellement en fonction de la réussite dans la vie de leurs clients. Imaginons que le président de leur pays dise d’eux qu’ils ne pourront jamais égaler le curé…

C’est le métier dont rêvent tous les libéraux du monde entier qui se dépeint progressivement sous vos yeux. C’est pourquoi, sans doute, on dit de lui que c’est le plus beau métier du monde.

mercredi 6 octobre 2010

Retraites : L’heure de l’épreuve de force

La pratique continuelle et inouïe du mensonge par l’ensemble du gouvernement, des sondages de popularité calamiteux, le soutien massif de l’opinion au mouvement social, un gouvernement à l’agonie et promis à une mort prochaine, une situation économique et sociale catastrophique, une France pointée du doigt et moquée dans le monde entier, voilà le triste bilan de 3 années de « réformes ». Nous ne sommes plus au bord du gouffre nous chutons.

Jusqu’ici la tonalité de mes articles étaient virulente envers ceux qui nous gouvernent, mais désormais, ils seront incendiaires grossiers, manipulateurs, plein de mauvaise foi. Parce que les bornes de l’indécence ont été franchies trop de fois en haut. Ces gens là ne méritent plus le respect que l’on doit à leur fonction. Ce ne sera plus le ministre ou le président, ce sera l’escroc, le menteur, le mou du bulbe, le nain, le facho, la baronne, la rebeu de service, la black du quota. Ils nous méprisent, c’est un fait. Injurions-les, de toute façon ils ne comprennent que ce langage. Les plus modérés diront sans doute qu’il s’agit là d’un excité de première qui écrit, qu’il n’a pas toute sa tête. Non, ma décision a été réfléchie

L’injustice notoire du projet de réforme des retraites me pousse à le qualifier désormais de contre-réforme. Je crois que nous ne devrions d’ailleurs n’en parler que sous cette appellation.

Par 3 fois en un mois les Français sont descendus nombreux dans la rue pour manifester leur désaccord. Ils s’apprêtent à renouveler leur geste le 12 octobre prochain. En face d’eux un gouvernement composé d’escrocs et de menteurs qui ose se qualifier d’« inflexible ». Cette réforme est « nécessaire » et « juste » entonnent-ils tous en cœur ânonnant de la sorte leurs putains d’éléments de langage. Quant à l’argumentaire, c’est du néant, le vide absolu. Certains fayots ex chiraquiens allant même jusqu’à avouer, dans un moment d’égarement, que tout cela n’est destiné qu’à permettre à la France de CONTINUER à s’endetter sans payer des intérêts exorbitants.

Vraiment, pas de doute il y a vraiment de quoi être fier. Cela en dit long sur la « souveraineté populaire » non ? Et sur l’état de la « démocratie ». Mais vous savez quoi ? Le Français de base il s’en fout mais alors complètement. C’est vraiment le cadet de ses soucis.

Faire travailler davantage, pour moins, l’ensemble d’une population pour que les financiers puissent continuer à se goinfrer, c’est cela que nous a expliqué le gendre idéal « BASGROIN ». Bien sûr, on le subodorait, bien sûr, on le supputait, certains même, les plus avertis, le savaient. La nouveauté (la modernité !) c’est qu’aujourd’hui, ils n’ont même plus peur de nous le balancer en pleine gueule ! Il y a une petite trentaine d’années cela aurait suffi à mettre le feu aux poudres, aujourd’hui, les Français sont frileux, ils hésitent, tergiversent, ergotent, épiloguent. Et merde ! On nous vole les amis, on nous spolie, et les voleurs vous préviennent. Faudra pas se plaindre ensuite, et comme vengeance croire qu’un bulletin DSK fera l’affaire. Là c’est moi qui vous prévient : lui c’est le même qu’eux, sauf qu’il organise tout de plus haut...et de plus loin.

Heureusement (hum), certains ont un intérêt majeur, à ne pas céder. La CGT, la CFDT, ont des élections professionnelles décisives dans un an étant donné les nouvelles règles de la représentativité. Alors que la CGT craint de perdre certains bastions s’ils perdent le monopole de la contestation, la CFDT, doit aller elle aussi, jusqu’au bout si elle veut reconquérir une partie des pertes qu’elle a enregistrées suite à ses successives trahisons. Les deux grandes centrales sont en réalité pieds et poings liés. Elles doivent obtenir des concessions importantes pour avoir au moins une semi victoire à mettre à leur actif. La CGT est obligée d’appeler à durcir le mouvement. La CGT transport et sans doute la CGT Total et Raffinerie ont annoncé une grève reconductible à partir du 12. Si il ne veut pas perdre le contrôle d’une partie de sa base, Thibault doit se rapprocher du principe de la « grève reconductible » ou de la « grève générale ». Ce qu’il a déjà commencé à entreprendre.

Les syndicats se retrouvent dans une partie qu’ils ne pensaient pas possible, il y a peu. La bataille de l’opinion est gagnée, le mouvement dans la rue ne faiblit pas. La résignation tend progressivement à laisser la place à l’exaspération. Bien sûr une bonne partie des personnes les plus touchées par la contre-réforme se conteront de jouer le rôle de mouton. Ils signeront des pétitions... Mais je les préfère moutons des syndicats plutôt que du gouvernement. Ce qui est en train de se passer est que le sentiment d’une possible victoire (qui de toute façon restera très symbolique eu égard au mal que ces salopards auront fait à la France durant leur quinquennat) est en train de grandir. De nouvelles catégories de population commencent à entrer en scène. Les jeunes ont fini par comprendre qu’ils étaient, de fait, les premiers visés. Je ne m’étends pas ici sur cet aspect. Ceux qui commenceront à travailler à 18 ans demain, devront cotiser 44 ans avant de pouvoir prendre la retraite à 62 ans. Alors que ceux qui entreront dans la vie active après vingt ans cotiseront 41 ans et demi.

Surtout, si le conflit perdure, il y a fort à parier que la plate forme revendicative s’élargisse. La contre-réforme des retraites ne serait plus qu’un prétexte. La liste des mécontentements est infinie. En se montrant aussi obtus le pouvoir est inconséquent.

Et si on faisait un petit sondage opinionway en demandant « Etes-vous favorable à la démission du petit Nicolas ? » que croyez-vous qu’il adviendrait ? C’est illégal un tel sondage ?

Que l’on ne se méprenne pas : le seul espoir que j’entrevois est de les faire reculer, des les acculer...bien profond. Pour le reste, à savoir la mise en œuvre d’une politique de progrès social cohérente même en 2012, c’est le noir absolu. Cependant, je ne vous cache pas, que rien ne me ferait plus plaisir que de les voir baliser. Et ne me faîtes pas croire que ce n’est pas votre cas ! Alors marchons, marchons...vous connaissez la suite.

mercredi 29 septembre 2010

Les masques de l’identité tomberont-ils ?

La scène se déroule au comptoir d’une brasserie parisienne plutôt chic. Les deux hommes se connaissent depuis peu et parlent pour la première fois de politique.

Mr Etilage : « Je pense que ce qu’il faudrait c’est une société dans laquelle les Français puissent être solidaires. Un pays dans lequel l’impôt par exemple redistribuerait les richesses. »

Mr Etisrevid : « Ah ! Vous me faîtes rire ! Parce que vous pensez encore que la France était peuplée de Français ? Mais enfin voyons, d’abord il y a des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux. »

Mr Etilage : « Que voulez-vous dire ? L’essentiel n’est-il pas qu’ils sont Français, qu’ils appartiennent tous à une même nation qui croit en une destinée collective. »

Mr Etisrevid : « Vous raisonnez avec des schémas trop simplistes peut-être valables pour le siècle passé. La réalité contemporaine est toute autre. Regardez, les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes besoins tout comme les jeunes et les vieux. »

Mr Etilage : « Admettons mais cela empêche-t-il une solidarité plus grande entre eux ? »

Mr Etisrevid : « En théorie non. Mais le problème n’est pas là. Le drame aujourd’hui c’est que les femmes gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes. Que les femmes membres de conseils d’administration des grandes entreprises sont très rares. En politique, malgré les quotas, qu’il faudrait renforcer, trop peu de femmes sont élues. »

Mr Etilage : « Oui, sans doute mais ce type d’inégalité ne concerne pas que les femmes... »

Mr Etisrevid : « Justement, comme je vous le disais il faut tenir compte de la diversité. Aujourd’hui en France on trouve des personnes issues de l’immigration, des personnes de couleur, des gays, des handicapés, des religions différentes. Ce qui importe c’est instaurer une égalité réelle entre ces catégories. Il faut cesser avec les discriminations ! »

Mr Etilage : « Vous dîtes cela et en même temps vous soutenez la politique sécuritaire et migratoire du gouvernement ! Vous voilà en franche contradiction ! »

Mr Etisrevid : « Vous plaisantez j’espère. Regardez, les églises de toutes les confessions n’ont jamais été si écoutées. Regardez le Crif, le Conseil du culte musulman, l’Eglise de France, le président est allé rencontrer le pape aussi. »

Mr Etilage : « Oui enfin sur l’affaire des Roms, on pourrait quand même dire que cette politique est raciste. Les journaux européens considèrent d’ailleurs que le président français est d’extrême droite. »

Mr Etisrevid : « C’est qu’ils n’ont rien compris. Citez-moi un gouvernement qui a autant œuvré en faveur de la diversité ? Pour l’accès aux grandes écoles par exemple. Pour accueillir comme les autres les handicapés dans les classes d’école, pour que les entreprises respectent leur quota de salariés ayant un handicap. Le gouvernement compte plusieurs ministres issus des minorités visibles. Vous voyez bien, nous mettons en œuvre l’égalité des chances quels que soient l’orientation sexuelle, le sexe, la couleur de peau, l’appartenance religieuse, l’origine géographique de la résidence. Nous avons même exploré la piste du CV anonyme pour éviter une discrimination à l’embauche sur la base du patronyme. Je ne devrais pas le dire ainsi mais certains préfets ont été promus sans doute en raison de leur confession religieuse... »

Mr Etilage : « En effet, mais cela marche-t-il ? »

Mr Etisrevid : « Nous avons encore des progrès à effectuer. Il faut du temps vous savez pour que les esprits s’adaptent. L’important c’est que la législation s’empare de ces thématiques et condamne effectivement les entorses. »

Mr Etilage : « Prenons un cas concret, disons que les noirs de France représentent 2 % de la population totale. Ce que vous trouvez de scandaleux, c’est qu’on ne retrouve pas 2 noirs si l’on prend la liste des 100 personnes les plus riches de France ? Ou que, parmi ces 100 personnes les plus riches, on ne trouvera pas 50 femmes mais certainement beaucoup moins ? »

Mr Etisrevid : « On ne pourra jamais arriver à une stricte égalité, statistique nous ne sommes pas favorables à « l’égalitarisme » mais oui c’est un peu cela que nous souhaitons réaliser. C’est une politique anti raciste, anti homophobe et anti xénophobe que nous menons. C’est un combat quotidien, une lutte de tous les instants. »

Mr Etilage : « Donc le président n’est pas raciste, ni homophobe ni xénophobe dont acte. Mais il y a encore quelque chose que je ne parviens pas à comprendre. Si les minorités étaient représentées à leur juste proportion dans les catégories aisées ou dans les postes de pouvoir, subsisterait-il une forme d’inégalité ? »

Mr Etisrevid : « Mon avis est que nous aurions là une société juste. »

Mr Etilage : « Même si certains devraient leur poste à leur identité plutôt qu’à leur mérite ? On vous met là parce que vous êtes une femme, plutôt que lui à diplôme équivalent ? »

Mr Etisrevid : « Il est vrai, qu’à la marge ce système produirait un peu d’injustice. Toutefois, comme nous pensons qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les races, le sexe, la religion, il n’y a pas de raison pour qu’une minorité soit lésée au final. »

Mr Etilage : « Donc parfois de l’injustice mais disparition des inégalités ? »

Mr Etisrevid : « C’est cela. »

Mr Etilage : « Pourtant, ne trouverait-on pas encore une majorité de pauvres et une minorité de riches ? »

Mr Etisrevid : « Vous me parlez d’inégalité sociale ? »

Mr Etilage : « Oui, ne faîtes pas l’innocent. Ce n’est pas parce que 2% des Français les plus riches sont noires que les inégalités disparaîtront ni même ne s’atténueront ! »

Mr Etisrevid : « Vous vous trompez de cible. Vous êtes un égalitariste, mais vous savez bien que cela est impossible. L’important c’est que la diversité de la France apparaisse au sommet de l’Etat comme aux postes de pouvoir économique. Que, je me répète, quelle que soit son origine on ait une chance équivalente d’arriver au sommet. »

Mr Etilage : « Non, l’important c’est que vous donnez ici une couche de vernis aux inégalités majeures de ce pays. Vous cherchez à donner l’illusion que ces inégalités sont justes parce qu’elles reproduisent fidèlement la diversité de la France. En agissant ainsi, vous masquez une autre réalité bien plus crues. La part des richesses détenue par les plus aisés ne cesse d’augmenter. Celle de la classe moyenne et des couches les plus modestes ne cesse de régresser. Les inégalités ne se sont jamais autant accrues que depuis que le « combat pour la diversité » a commencé. Comme c’est étrange ! En proclamant « que vous soyez arabe ou lesbienne, vous avez toutes vos chances » vous condamnez les racistes, les sexistes, les homophobes etc. Mais quand donc vous attaquerez vous aux riches quelle que soit d’ailleurs leur origine ? La diversité que vous brandissez si haut n’est qu’une muléta cachant la banderille qui transperce toute la société française, celle des inégalités de revenus et de patrimoine. Vous incitez le citoyen à mettre en avant ses différences, vous cherchez à atomiser le corps social, à briser les solidarités nationales et à favoriser le repli identitaire. La diversité voilà l’ennemi ! Je vous l’accorde volontiers, notre président n’est pas d’extrême droite, il n’a rien contre les noirs pourvu qu’ils soient riches, ni contre les homos mais à la même condition, et je pourrais continuer. Non, sa politique est simplement anti pauvres, ceux là même qui ne travaillent pas assez, ceux qui ont besoin de leur retraites pour leurs vieux jours ! Du coup sa politique est simplement, très traditionnellement, de droite, profondément conservatrice, habillée d’un discours paravent. On aurait tort de le stigmatiser notre président, il fait pareil que ses prédécesseurs. A vouloir le présenter comme hors norme on en oublie sa triste banalité... »

Mr Etisrevid : « Monsieur, votre combat n’est pas le nôtre, mais je vois que vous avez un problème avec l’argent. Voilà qui devrait faire l’affaire ! »

Il se lève et quitte la brasserie en jetant un billet de 20 euros pour les deux cafés consommés.

Idée originale tirée de l’excellent petit essai de Walter Benn Michaels « La diversité contre l’égalité » RAISON D’AGIR, 2009.

vendredi 24 septembre 2010

Des hommes ou des Dieux ?

“Des hommes et des dieux”. Le film est en passe de devenir un des succès majeurs de l’année. Et l’un des plus vus du cinéma français de la décennie. Pourtant, le classicisme de la mise en scène, le jeu parfois éculé et théâtral de certains comédiens semblent en retard d’une guerre. Un film pour les vieux assurément : rythme lent, longs plans de paysages, chants liturgiques à foison, parole plutôt rare, tous les ingrédients nécessaires à la sieste de papi semblent en effet réunis.

Oui tout cela est vrai et l’on pourrait même être plus féroce encore sans trop forcer. Pourtant, “des hommes et des dieux” caracole en tête des entrées, les salles sont encore pleines, et le film est en piste pour les Oscars. Comment expliquer ce succès ?

DES CATHOLIQUES EN MAL DE FOI ?

La première hypothèse est la plus simple. Le film attire les derniers cathos de France. Nos paroissiens en mal de pape charismatique se précipitent voir les “vrais moines” en leur demeure. Pour autant, le film n’est guère mystique car où est la transcendance ? Qu’apporte la foi aux moines si ce n’est un piètre réconfort hypothétique au moment de leur mort ? Non, il ne s’agit pas d’un film qui donne l’envie de croire. En revanche, et c’est ce qui plaît à nos spectateurs catholiques, le doute ressenti chez plusieurs frères peut s’articuler comme un discours pro domo : “Je prie mais je n’entends plus rien” dit l’un des membres de la communauté pour au final décider de braver la mort, rejetant ainsi ses hésitations. Tel autre affirme avoir la tentation de “revenir plombier en France” avant de reconnaître que sa vie est “ici” en Algérie.Un dernier affirme que “partir c’est mourir”.  Mais au final, tous restent dans le monastère au contact de ce dieu parfois trop lointain et aux voies (voix) décidément impénétrables. Le fidèle doute mais au final parvient à rester dans le droit chemin. Voilà le surhomme, l’imitateur du Christ :  il détient la vraie foi, il a cru la perdre mais c’est ainsi qu’il l’a pleinement retrouvée. Le héros catho moderne pourrait bien se nicher dans le monastère de Tibérine. Est-ce le brave Amédée qui parvient à se dérober en se planquant sous son lit ? Rien n’est moins sûr… Judas de la cause ?

EN QUETE DE SPIRITUEL ?

D’immenses penseurs, de Malraux à Sarko, avaient prédit que le “XXI° siècle sera religieux”. Sommes-nous en présence d’une manifestation de la prophétie ? Nos spectateurs avides se rendent-ils dans les salles obscures comme on se rend à Compostelle ? Le propos serait le suivant : nos concitoyens désorientés dans ce monde globalisé et complexe sont à la recherche de sens. Or, l’hyperconsommation et les flux continus d’informations et son corollaire le hic et nunc érigé en mode de vie, produisent une anxiété métaphysique. Devant cette angoisse, ils se rendent en masse dans  “l’usine à rêves que constitue l’industrie cinématographique” pour quitter un instant le monde et ses basses contingences. Le matérialisme n’a que trop vécu, bienvenue au spiritualisme ! Notre siècle désenchanté, sécularisé et désillusionné a besoin d’une renaissance…pourquoi pas celle de l’Eglise ? Aussi séduisante soit l’hypothèse le succès rencontré par “Des hommes et des dieux” n’est en rien consécutif d’un “retour du religieux”. La recette du succès est à chercher ailleurs.

UNE HISTOIRE VRAIE

Histoire romancée mais Histoire quand même. Cette malheureuse affaire de moines égorgés avait défrayé la chronique. Le mystère entourant leur exécution était resté entier : Les bourreaux étaient-ils islamistes ou bien l’armée algérienne avait-elle laissé faire ou commandité leur exécution? Le rôle de l’Etat français demeure lui aussi assez obscur. Une affaire mystérieuse donc, une cadre à la Agatha Christie, des religieux désarmés et obstinés face à des terroristes armés jusqu’aux dents. Mélange de réalité et de fiction, “des hommes et des dieux” dispose d’une dramaturgie exceptionnelle qui peut séduire les férus d’Histoire aussi bien que les amateurs de polars. La relative proximité temporelle avec les événements narrés stimule encore davantage la curiosité. Mais nous ne saurions nous abandonner à cette théorie : le cinéma n’a jamais produit autant de films “historiques” ou traité d’affaires mystérieuses. Ce choix est banal et ne saurait expliquer à lui seul que plus d’un million de français accourent.

SALAUDS D’ARABES ?

Etrange en revanche est l’absence de polémique suscité par le film. Souvent, la violence de la polémique permet à un film sans grande envergure de séduire les spectateurs. Rares sont les voix dissonantes dans le concert de louanges. Un film que tout le monde aime a-t-il un intérêt ? Si tout le monde aimait Koons ou Jeunet auraient-ils rencontré le succès ? Le film ne dérange pas…les critiques en tout cas. Mais j’aimerais ici me livrer à un propos plus acéré (et peut être de mauvaise foi-blasphème !).

Car que voit-on ? Des moines catholiques qui structurent la vie de la cité musulmane, une jeune femme future victime d’un mariage arrangé qui confesse ses inquiétudes auprès d’un frère qui lui répond pudiquement que “c’est un autre problème” (sous-entendu : “ta religion obscurantiste, je préfère ne pas l’évoquer”). On découvre un chef de communauté déguisé en Averroès, épris du Coran et qui fait la leçon aux barbares hirsutes et analphabètes. On trouve aussi des arabes perdus si “la branche sur laquelle ils se reposent” (le monastère) venait à disparaître. On assiste aussi à une jolie prière musulmane dont la traduction sous titrée cesse après que le récitant a prononcé quelque chose comme “donne nous la victoire sur les infidèles”… De ce point de vue le discours du film peut s’interpréter comme “enseigner les aspects positifs du néocolonialisme” ! Au final, les chrétiens pardonnent (bien sûr) et les musulmans tuent (évidemment). Sans les moines pas de médecine, pas de miel sur le marché,  bref plus de civilisation.

Quels contrepoids à ces épisodes pour le moins ambigus  ? Deux scènes essentiellement : le frère médecin qui s’endort avec “les lettres persanes” entre les mains. Qu’est-ce à dire ? Qu’il y eut une époque où notre civilisation occidentale pouvait tirer quelque parti de la musulmane ? Mais comme compréhension et interprétation des civilisations du Maghreb, on fait mieux ! Ou bien le frère médecin préfère-t-il les ragots de la presse locale aux arguties juridico-philosophiques de Montesquieu qui l’endorment ?

L’autre scène est plus franche mais en réalité tout aussi contestable. Il s’agit d’une des entrevues avec le haut fonctionnaire algérien du ministère de l’intérieur. Dans une périphrase ledit fonctionnaire dit quelque chose comme “je pense à l’inverse de vous (les moines présents dans son bureau) que c’est la colonisation française qui nous a retardé.” Les moines baissent la tête, l’air contrit. Derrière cette dénonciation apparente se cache un poncif des plus éculés : Le fonctionnaire algérien reconnaît que son pays est en retard, c’est donc que l’Algérie est un pays arriéré. Il ne s’agit pas de faire un procès d’intentions mais si le réalisateur avait vraiment voulu accréditer cette thèse, il l’aurait mis dans la bouche d’un autre que ce bureaucrate plus ou moins corrompu.

En d’autres termes : 1/ La présence européenne et chrétienne en Algérie est bénéfique aux Algériens. 2/ La civilisation arabe ne nous a rien apporté au moins depuis le XVIII° siècle 3/ Malgré notre apport, ils n’ont rien retenu et sont encore en retard 4/ Et cela ne les empêche pas de nous faire la leçon !

Les spectateurs sont-ils pour autant des zélés serviteurs d’E. Zemmour, d’E. Ciotti, de G. Bush ou de S. Huntington ? Mais le film, peut-être à son insu donne des arguments à ceux qui pensent que le dialogue entre civilisations est impossible. Dans sa neutralité bienveillante, le film attise les incompréhensions réciproques. Nul doute qu’il ne saurait être diffusé en Algérie. Que ce soit bien clair : le but d’un film n’est pas d’infirmer ou d’accréditer telle ou telle thèse, mais il lui faut un contextualisation plus solide. Quand on prétend traiter l’Histoire on effectue un travail d’historien. On ne se contente pas de mettre 4 phrases “d’explication” durant le générique de fin. Le partisan de l’Algérie française y trouvera donc son compte à l’instar du catho tradi.

L’ANTI BLING BLING ?

Et si le film devait son succès à son côté décalé ? Travail agricole et monde rural. Piété et contemplation. Simplicité et modestie. Dépouillement et parole mesurée. Refus du paraître et proximité de l’être. Tous ces couples fonctionnent à merveille pour qui souhaite un retour à “l’authenticité” aux “vraies valeurs”. Ces hommes capables de se réfugier intérieurement, de lire sans arrêt, de prier assidûment savent prendre leur temps. Leurs paroles sont rares et pondérées, loin bien loin de l’agitation permanente, du tourbillon médiatique. Ils incarnent un idéal devenu pratiquement inconcevable de nos jours. Leur environnement n’est pollué ni par des ordinateurs, ni par des publicités et si peu par les gaz d’échappement. Ils soignent sans médicaments. L’autonomie soixante-huitarde chez les moines de Tibérine ? C’est un peu ça. En cela, ils accèdent au statut des demi-dieux de l’Antiquité. Mortels mais situés dans un ailleurs inaccessible au commun des mortels, les moines vivent en Utopie. S’agit-il d’hommes ou de dieux ?

L’IMPOSSIBLE IMPASSE DU MONDE

“Humains trop humains” aurait sans doute répondu notre Friedrich. La déconstruction du mythe du paradis terrestre est peut-être la partie la plus convaincante du film. Il est, même pour des moines au firmament de leur spiritualité de faire l’impasse sur ce qui les environne. Tout au plus peuvent-ils faire semblant, comme dans cette scène ou l’hélicoptère de l’armée couvre leurs chants. L’irruption de l’extérieur, la violence soudaine, les enjeux géopolitiques qui ressurgissent en pleine figure. Il n’y a pas d’innocent et celui qui veut s’échapper de l’emprise du monde a néanmoins sa part de responsabilité car il “hérite” d’une époque, les moines ici sont assimilés par les islamistes à la colonisation, puisqu’ils la perpétuent quoique sous d’autres formes. Une fois morts, que reste-t-il de l’esprit qui les animait ? Rien, des bâtiments vides.  Au final, “des hommes et des dieux” nous dit que la “quête mystique” rapproche des dieux mais non les hommes.

 

Gauche radicale : comment se prémunir du risque totalitaire ?

 

Qu’est ce qui sépare la gauche modérée et la gauche radicale quand les deux sont d’accord pour parvenir au pouvoir par les urnes ? Le rythme annoncé des transformations à opérer et le degré de volonté pour  parvenir au bout du chemin. A priori pas de désaccord de fond. Mais la social démocratie a-t-elle vraiment quelque chose à voir avec la gauche dite radicale en matière de politique économique ? En tant que libéraux, les socio démocrates n’envisagent pas la reprise en main de l’économie par les élus. Tout au plus espèrent-ils accompagner le mouvement et l’adoucir quelque peu grâce à une miraculeuse pommade sociale. Mais aujourd’hui, ce discours ne tient plus…et ils en ont conscience.

Donner libre cours à l’économie globalisée, c’est à dire laisser le marché libre en le prémunissant de toute intervention des Etats, revient à imposer des contraintes aux seconds et à garantir l’immunité à la première. Contraintes budgétaires et mise en œuvre de politique dites de rigueur constituent le nec plus  ultra de la doxa de l’école de Chicago. Grâce à la crise, il est devenu de notoriété publique que les pouvoirs politiques sont à la botte des financiers et autres agences de notation. Le mécanisme est désormais à nu. Du coup, le grand perdant idéologique de cette crise n’est autre que le néolibéralisme tant il est devenu évident que l’on ne peut pas laisser la finance internationale s’amuser dans son coin hors de tout contrôle. Le débat n’est plus de savoir si l’Etat doit se mêler d’économie mais à quel degré et à quelles conditions il doit le faire. Et cela même les socio démocrates le reconnaissent aujourd’hui. Autre chose est de savoir à quel rythme et s’ils en ont vraiment la volonté. De cela la gauche radicale ne manque pas, on lui reprocherait d’ailleurs plutôt l’inverse.

J’appartiens à ce courant de pensée qui estime que le pouvoir politique doit reprendre la main sur le pouvoir économique, le premier étant détenu en dernier ressort par l’ensemble des citoyens. Souhaiter ce reversement n’est pas suffisant pour dire qu’il s’agit là d’une pensée d' extrême gauche.D’ailleurs, d’autres, bien plus modérés, le disent, certains osent même esquisser des politiques dans ce sens. Mais tout est affaire de dosage. Jusqu’à quel point l’Etat doit-il intervenir dans la vie économique ? Et comment fixer des limites à son intervention ?

Les partisans d’une intervention puissante du pouvoir politique sur la vie économique  demeurent confrontés et comme tétanisés par cette double question. Et c’est bien là leur difficulté politique majeure. Nombre de personnes adhèrent de prime abord aux thèses défendues par des hommes comme Jean-Luc Mélenchon. Mais très peu osent franchir le pas. De quoi arguent-ils pour justifier leur “non passage” à l’acte ?

Les arguments conjoncturels ne manquent pas : de la crainte d’une dispersion des voix à gauche, le souvenir de 2002 etc. Mais, cela n’est qu’écume, car au fond ce qui pose problème relève en fait de la dialectique du “je” et du “nous”. Pour faire simple, oui à la solidarité mais quid de ma liberté ? Résorber les inégalités, bien sûr, mais faut-il payer davantage d’impôts ? Et après tout, si je parviens à m’enrichir, je ne le dois qu’à mon mérite personnel. Alors pourquoi partager mon dû ?

L’idéal de la gauche radicale ne pose pas de difficultés préalables pour tout humaniste, en revanche, beaucoup craignent l’après. Une fois au pouvoir, cette gauche ne risque-t-elle pas de mettre en œuvre une politique qui, in fine,réduira certaines libertés, celle d’entreprendre, de spéculer, d’obtenir des abattements fiscaux, ou même celle de m’exprimer ou de pratiquer ma religion ? Ces mêmes personnes qui ont aussi quelques notions d’histoire nous rappelleraient l’URSS, la Chine, Cuba ou le Venezuela. “Est-cela que vous nous promettez ? L’absence de démocratie, les libertés confisquées, la mise au banc de la communauté internationale ? Continuez à rêver de ce monde plus juste, mais je vous en prie, ne faîtes rien pour y parvenir.” Voilà le refrain entonné. L’Histoire, il est vrai, plaide contre la gauche radicale. Et donner des gages de bonne foi ne changera rien à la donne. Alors que faire ? Comment convaincre au delà des acquis à la cause ? Comment rassurer le modéré, comment lui démontrer que nous ne souhaitons pas faire de la France une Corée du Nord ?

Il faudrait commencer par lui rappeler que tenir un discours modéré de nos jours, c’est accepter que l’inacceptable se perpétue. Il faudrait surtout lui parler des garde fous démocratiques que tout gouvernement ancré à gauche se doit de mettre en place. Ne le nions pas, les projets égalitaristes ont souvent sabordé les libertés. C’est conscients de cette histoire qu’il nous faudra gouverner, c’est en la critiquant que nous pourrons convaincre. Au placard Che Guevara et Zapata ! Regardons plutôt Morales et Lula qui, au quotidien, parviennent à lutter avec succès contre les injonctions de la finance internationale. Nous ne cherchons pas à ce qu’il n’y ait plus de riches mais seulement moins de pauvres.

Oh bien sûr, je vois déjà les sourires en coin se profiler : “Quel grand naïf, comment être aussi niais.” A ceux-là je répondrai que l’Histoire n’enseigne qu’une chose : les inégalités sociales ne peuvent s’accroître indéfiniment sans provoquer de cataclysme. Si l’on ne soigne pas le mal, d’autres le guériront avec des remèdes autrement dévastateurs. Une société en voie de paupérisation comme l’est la nôtre doit savoir qu’elle est en danger. Prôner le laisser-faire c’est accélérer sa fin.

jeudi 16 septembre 2010

Tous les chemins mènent aux Roms

Cette histoire devient à proprement parler “insupportable”, chacun y va de ses mensonges, de ses approximations, de sa mauvaise foi. Le problème est d’une grande complexité mais tout le monde a son avis. Surtout, la façon dont les échanges se déroulent démontre la piètre qualité du débat démocratique dans notre pays.

Premier responsable : le gouvernement

- Pour avoir orchestré sciemment ce nouveau délire sécuritaire depuis le début de l’été

- Pour avoir crée un “problème rom” dans un but électoraliste

- Pour avoir émis des circulaires visant explicitement une partie de la population non pour les actes qu’elle a pu commettre mais sur une base ethnique

- Pour avoir donné l’ordre aux policiers de séparer les familles

- Pour ne pas avoir rappelé que ces “expulsions-reconductions” sont assorties d’une petite prime pour le migrant

- Pour avoir cherché délibérément le conflit avec les autorités mondiales qu’il s’agisse des Etats d’Europe ou d’ailleurs, de l’Eglise, de l’UE afin de se refaire une virginité sur la scène nationale quitte à maltraiter l’image de la France dans le monde.

Deuxième responsable : les associations de gauche droit de l’hommistes.

- Pour avoir une fois de plus entonné la ritournelle du “les pauvres, ce sont des victimes, on les punit une deuxième fois”. RESF, SOS racisme, le GISTI et la LDH sur le banc des accusés. Votre angélisme dessert votre cause, il est temps de s’en rendre compte.

-Pour avoir laissé entendre qu’une comparaison avec Vichy était possible. Il serait aussi temps de prendre conscience que l’invective et les comparaisons douteuses comme les coup d’éclat ne servent à rien. On avait déjà eu droit aux “rafles” à la sortie des écoles. En procédant à de tels amalgames vous vous caricaturez vous mêmes. Utilisez plutôt le droit européen, il semble que cela soit plus efficace.

Troisième responsable : le PS

- Pour ne pas avoir répété et martelé qu’il ne s’agit là que d’un nouvel écran de fumée visant à masquer la gabegie du gouvernement. Dire qu’il ne s’agissait pas seulement d’une opération électoraliste mais aussi d’obtenir du temps d’antenne. Pendant ce temps on ne parle pas du chômage, des retraites, du pouvoir d’achat, des affaires de Karachi, de la saignée dans les services publics, de la dette et j’en passe.

 

Dernier responsable : la commission de Bruxelles

- Pour avoir joué au gardien du temple des “droits de l’homme” alors qu’elle met en œuvre au quotidien le nivellement par le bas des salariés européens, qu’elle rabote les acquis sociaux. Elle exacerbe la concurrence entre Etats membres et n’harmonise que ce qui ne dérange pas les intérêts financiers. La commission n’est pas la cour de justice européenne…

-Pour chercher à se donner une caution humaniste alors qu’il ne s’agit là que de quelques technocrates scrupuleux vexés de se voir snobés par la président français.

 

Ce sur quoi l’on aurait pu débattre en revanche, c’est sur ce droit à la libre circulation des personnes dans l’UE. Mais là chut, il ne faudrait pas qu’un grain de sable de vienne s’immiscer dans la mécanique bien huilée de l’Union : car remettre en cause cette libre circulation des personnes venues de l’Est de l’Europe empêcherait d’accroître la pression qui s’exerce sur les salaires à l’Ouest. Comme çà les petits roms et les  autres pourront continuer à servir les intérêts des grandes mafias, ou vendanger nos coteaux pour trois figues et deux raisins, ou encore construire nos immeubles, laver nos assiettes dans les arrières cuisines de nos restaurants.

Nos esclaves actuels, quasi invisibles, ont le tort de sentir fort, de vivre en roulotte et de voler. C’est d’ailleurs le cas aussi pour nos esclaves africains. Mais eux préfèrent les squats dans les caves d’immeubles. Ils incommodent moins la vue. Et puis comme ils ne sont pas d’origine européenne, impossible pour le premier rom de France d’obtenir un clash avec Bruxelles. Et pour faire plaisir aux souverainistes de tout poil quoi de plus excitant qu’une bonne grosse dispute avec Barosso ?

Dans sa boule de cristal, la gitane en partance pour Bucarest m’a dit : Il va remonter dans les sondages. Avoir pour ennemi, l’UE, la presse, les gitans et les associations bien pensante, c’est frotter l’électorat bobof dans le sens du poil et hérisser le bobo. Electoralement c’est très rentable. Parfait je fonce… Au pire Carla boudera un jour ou deux…

vendredi 10 septembre 2010

L’insupportable Hervé Morin

Pas question d’y consacrer un article entier, un billet suffira bien. Hervé Morin c’est notre actuel ministre de la défense, c’est aussi le président…et oui !…du “Nouveau Centre”.

Pour ceux qui l’ignorent, ce parti confidentiel est né durant l’année 2007, durant la campagne présidentielle. Il s’est constitué autour de déçus du “bayrouisme”, qui estimaient que leur candidat était trop marqué “à gauche” ou en tout cas fortement “antisar…”. En réalité, ces gens là avaient surtout en ligne de mire les législatives qui suivaient de quelques semaines le deuxième tour des présidentielles. Pour ne pas perdre leur fauteuil de députés, ils n’avaient d’autre choix que de s’assurer que l’UMP ne présenterait pas de candidat et les soutiendrait dans leurs circonscription. Résultat : 21 députés, juste de quoi avoir un groupe à l’assemblée. C’est pas merveilleux ça ? Pour bons et loyaux services rendus à sa Majesté, Hervé Morin se vit attribuer le ministère de la Défense où son bilan est aussi discret que celui de ses prédécesseurs. Gérer la Grande Muette, c’est prestigieux mais ça fait peu parler !

Depuis le début de l’été, Hervé Morin se prête à rêver d’une campagne présidentielle. L’état de déconfiture de l’UMP crée de l’espace à droite se dit-il. J’ai un coup à jouer. Etre élu ? Il n’y songe pas…en revanche il espère être le ramasse voix de l’actuel hôte de l’Elysée en vue du second tour. Et pourquoi pas Matignon à l’issue si la victoire de son maître se confirme ?

Les 500 signatures, heureusement ce n’est pas un problème : les petits élus de droite ont bien compris que j’étais là pour capter un électorat de droite modérée un peu déboussolé par les agitations de mon maître. Ensuite, entre les deux tours, je ramènerai mes brebis égarées au bercail. Je leur dirai quelque chose du genre “Face au péril socialo-bolchévique, il est de mon devoir de vous exhorter à donner vos voix au candidat qui porte les valeurs qui nous unissent : l’ordre, la sécurité, la stabilité". Mes brebis redeviendront alors moutons.

La voie est étroite pour le laborieux Hervé. D’abord, il ne faut pas rompre l’allégeance actuelle au maître. Impossible, il serait alors un traître. De démission, il ne saurait être question. Pourtant il faut bien faire parler de soi. Je laisse circuler de “pseudo rumeurs” sur ma candidature, mais la presse n’est pas pressée de relayer. J’accorde des interviews à la chaîne, mes les lecteurs ne les lisent pas. Je fais alors des déclarations sur mes états d’âme sur la politique d’expulsion des roms, mais dans le tintamarre qui s’en soucie ? Misère, mais que faire pour être remarqué ? Je lâche une bombe, le truc qui tue, je promets la fin du bouclier fiscal. Oulala ! Ca va remuer dans les chaumières ce soir ! A bout de ressource, Hervé ne perd pas encore le Nord, car le bouclier fiscal, pour des hommes de droite comme lui et bien, c’est déjà fini. Oui car vu le projet des retraites, les bénéficiaires du bouclier participeront quand même à l’effort national. Médiatiquement donc, l’annonce a quelques chances d’être reprise, concrètement ce qu’il dit n’engage à rien.

Quel courage, quelle audace. Décidément cet homme est un génie ignoré, pénétré par des considérations de haute volée. Plus sérieusement, comment espérer que les citoyens se réapproprient la chose publique avec des gars qui font de la politique comme lui ? Il est le degré zéro de la politique, jamais d’idées ou de convictions mais un parcours…et avec de la chance, il peut tenir son pari.

mercredi 8 septembre 2010

La gouvernance : une escroquerie intellectuelle

Vous l’avez sans doute remarqué, depuis une dizaine d’années environ, nous assistons à un emploi toujours plus fréquent du terme “gouvernance”. Or,nous ne le savons que trop bien, les mots ne sont jamais innocents,en particulier ceux sortis de la bouche des dirigeants. Remarquons d’ailleurs que ce terme n’est pour ainsi dire jamais employé par ceux “d’en bas”, qui lui préfèrent le désuet et dépassé “"gouvernement”. D’autres en revanche s’en gargarisent jusqu’à plus soif : hauts fonctionnaires nationaux ou européens, éminents membres du FMI de l’OMC de la banque mondiale ou de la BCE. Dès l’origine il convenait comme un gant aux grands patrons, et il  séduit toujours plus les politiques, en particulier ceux qui prétendent …gouverner, c’est-à-dire accéder au pouvoir.

En l’espèce, nous n’avons pas à faire uniquement au phénomène bien connu de la féminisation à outrance de la langue française grâce à laquelle nous pouvons écrire sans crainte que l’auteur de ces lignes n’est pas une auteure sans que le correcteur ne surligne ce mot en rouge ! Non, dans le cas de la gouvernance nous avons à faire à une distorsion de la langue plus symptomatique des errements politiques de nos “vieilles'” démocraties.

Alors de quoi s’agit-il ? Vous vous en doutez, ce terme a d’abord été utilisé dans le monde de l’entreprise, de l’entreprise privée est-il besoin de le préciser ? Il se rapprochait alors de la classique “gestion”. Une bonne gouvernance d’entreprise c’était une solide répartition des tâches, l’absence ou l’éradication des “échelons superflus”, un personnel qualifié et volontaire, une gestion saine des comptes, se pencher sur la recherche développement, s’assurer une solide implantation territoriale et bien sûr accroître les profits. C’est au tournant des années 70-80 que le terme se popularisa dans les cénacles entrepreneuriaux au moment de la révolution néolibérale thatchérienne et surtout reaganienne.

Les patrons n’étaient plus simplement des PDG, ils devenaient des gouverneurs (titre au demeurant donné à l’ensemble des dirigeants des banques centrales). C’était reconnaître que leur “champ de compétences” s’était considérablement accru. Il est vrai que leur puissance pouvait égaler voire surpasser celle de nombre de gouvernements. Ernest Antoine Seillière ne disait-il pas que les patrons “n’étaient pas comme les politiques soumis à la pression de la rue” pointant par là la faiblesse inhérente au pouvoir politique d’une part et  l’immunité des grands patrons d’autre part.  Les grandes entreprises se muèrent en multinationales, implantées sur tous les continents. Ces gigantesques pieuvres, créèrent des flux de toutes sortes entre leurs multiples tentacules. Le commerce international explosa en volume  comme en valeur, profitant dès les années 90 de l’ouverture au marché de la moitié de la planète jusqu’alors communiste.Le monde se mit à parler anglais.

Quoi de plus banal dans ce contexte que le terme de gouvernance qui était inusité en France depuis la fin de l’Ancien Régime se réintroduise par le biais de l’anglais “governance” ? Miracle des miracles le vieux français se mariait merveilleusement à la langue du commerce international !

De colloques en cocktails, de cours d’anglais commercial en stages formation pour jeune cadre, de G7 (à l’époque) en conseils des ministres, “gouvernance” s’introduisit sans difficulté dans l’attirail langagier des puissants devenus avant tout des communicants.Une fois la mutation linguistique accomplie, il suffisait de la déverser continuellement sur le pékin de base pour qu’il l’accepte sans y avoir consenti. Pour accélérer le processus, la “gouvernance” montra le bout de son nez dans la refonte des programme d’Histoire-Géographie au printemps 2010. Quel succès ! et quel volontarisme !

Que cache la gouvernance ? Pour les partisans de cette dernière, poser cette question est insensé. En effet, la gouvernance, c’est la pratique tempérée du pouvoir, ce n’est pas pour rien si elle rime avec transparence… Car ne nous y trompons pas, la gouvernance est un mode de gouvernement.300px-Ambrogio_lorenzetti,_affetti_del_cattivo_governo_3,_siena,_palazzo_pubblico,_1337-1340

Il ne serait pas venu à l’esprit de Lorenzetti de peindre les effets de la bonne et de la mauvaise gouvernance. De même aucun historien actuel n’a songé à parler de  “gouvernance soviétique”. On utilisera les termes de pouvoir voire le traditionnel gouvernement. Aucun institutionnel n’osera évoquer une gouvernance nord-coréenne. Ainsi donc, il y a des pays qui bien qu’ayant un gouvernement, restent dépourvus de gouvernance. Vous pouvez chercher, vous ne trouverez pas de gouvernance iranienne ou cubaine. Voici me semble-t-il la preuve que  “gouvernance” doit aussi être compris comme un objet politique :  L’art de bien gouverner. D’ailleurs, un gouvernement peut s’égarer, commettre des erreurs, être mal jugé…la gouvernance non. La gouvernance est bonne en soi puisqu’elle n’est utilisée que pour décrire de “bons régimes démocratiques” ou leurs institutions parallèles. Démocratie et gouvernance sont devenus complémentaire ou au moins indissociables.

Donc, ce terme choisi et connoté si positivement, à qui sied-il ? Quels pouvoirs se voit-ils ainsi honorés d’être affublés du qualificatif de gouvernance ? Il y a d’abord la “gouvernance mondiale”. On entend par là a priori l’ONU (même si on préfère souvent la “communauté internationale” pour cette institution). En réalité, il s’agit plutôt des institutions internationales type FMI, OMC, banque mondiale, FED, BCE etc. Autrement dit les instances internationales en charge d’organiser l’économie mondiale. Où l’on voit la gouvernance mondiale entre les mains des financiers.

Mais, en Europe, notre gouvernance préférée, c’est bien sûr celle de l’UE ! Ah la gouvernance européenne, cette façon de faire si merveilleuse qui passe par le consensus entre gauche et droite, cet art d’être sage et pondéré. Ces gens là, si invisibles, si transparents font des miracles de directives. Leur pouvoir est si diffus qu’il enveloppe tout. Car la gouvernance messieurs dames, est girondine dans ses contours. Fédéraliste dans l’âme et niant l’échelon national, la gouvernance européenne encourage l’essor de gouvernances régionales transnationales.

Mais à y regarder de plus près, il est une autre gouvernance qui gagne du terrain, insensiblement. Celle d’Internet. Car voyez-vous ce que l’on ne peut régenter, ce que l’on ne peut gouverner, nous y appliquons notre bienveillante gouvernance. Autrement dit, la gouvernance serait plus souple que le rigide gouvernement.

Qu’il s’agisse de la gouvernance mondiale, européenne ou celle du Net, ces gouvernances ont en commun d’exercer un pouvoir flou et éthéré. On peut difficilement y mettre des visages. Ils ont surtout en commun d’exercer leur pouvoir d’une façon totalement a-démocratique. Alors même que le terme de gouvernance ne peut qualifier que des régimes démocratiques, il ne désigne en réalité que des instances décisionnelles hors de tout contrôle démocratique !

Les gouvernances n’aiment pas les éclats, elles savent être discrètes. La gouvernance perdure également, elle semble comme suspendue, sans prise avec les événements, insensibles aux secousses. D’ailleurs personne ne sait dater la gouvernance. Quand est elle née ? Existe-t-elle vraiment ?

Elle semble en tout cas en âge de procréer puisqu’elle a une petite fille : la Régulation. Ah non ! Vous ne l’aimez pas celle-là ? N’ayez crainte vous apprendrez à l’aimer. Pour l’instant, maman ne lui a donné que le capitalisme mondial à gérer. Elle n’a pas encore gangréné toute la sphère politique, mais ça viendra. Alors tels la larve devenant papillon, dans un grand bond en avant, nous abandonnerons nos gouvernements (forcément rigides) réglementant à tout va pour nous projeter vers la Lumière de la “gouvernance régulatrice”. Bonne chance !

 

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lundi 30 août 2010

Le libéralisme engendre le communautarisme

repas de ramadan pour les militants NPA à port leucate






Ramadan, fête médiatico-républicaine

C’est surtout dans les cercles d’extrême droite que l’on s’est ému mais avez vous remarqué cet été

la prolifération des publicités halal sur tous les supports,( ici )

ou celle des quick sans porc servant du halal uniquement

ou encore des difficultés de cantine dans l’équipe de France de Football ( ici )

ou enfin de ces entreprises gérant de façon tout à fait exceptionnelle en “mêlant astuce et souplesse” le Ramadan de certains de leurs employés.

Ces événements, qu’on le veuille ou non, interpellent au delà des 15% d’aficionados du FN. Et au delà même des milieux chrétiens qui voient ainsi le paysage christianisé de la France menacé. Ils devraient interpeller aussi et surtout les milieux laïcs. Si certaines voix se sont exprimées elles se sont peu fait entendre. Personne pour oser affirmer que ces tendances menacent le vivre ensemble. Elle ne menacent ni le christianisme ni la France, simplement les Français.

Le marché s’en mêle

C’est d’ailleurs fort subtilement qu’une vache proclamait en 4*3 : “Fièrement halal”. Qui empêchera demain le français de base à afficher “Le porc y a que les cons qui en mangent pas !” ? Et bien tout le monde, les maires, la préfecture, les députés, la gendarmerie. Pour la bonne raison que cet affichage contreviendrait à quelques dizaines d’articles de loi de l’injure à la xénophobie, suspect d’intentions racistes ou autre.

Nous vivons dans un pays où il est aisé et bienvenu de critiquer la religion dominante (pour pas faire vieux jeu) et de se montrer courtois envers l’Islam (pour (par)être tolérant et accueillant).

Nous vivons dans un pays où les chefs d’entreprises ont enfin pris conscience du blé qu’il y avait à se faire en développant des “niches confessionnelles”.

Arabe=Musulman=Halal Toutes ces égalités sont fausses, mais c’est leur schéma logique.

Le publicitaire : “ Suffit de le marteler et ça va marcher. Tu vas voir, tous les rebeus des cités vont venir s’approvisionner chez nous. Ceux qui s’en foutaient, comme çà, ils suivront les autres, mi contraints mi enthousiastes. Ils auront l’impression de vivre en phase avec leur culture d’origine

S’afficher musulman, le revendiquer, en tirer un fierté, ces attitudes en partie fabriquées par les publicistes, tendent à se développer chez les jeunes et ce en dépit de leur méconnaissance de l’Islam. Extérioriser sa foi quoique minoritaire c’est tenter d’accéder à une reconnaissance sociale. Ce n’est pas une provocation, c’est le besoin de se sentir légitime chez soi.

Par intérêt, le marché et par là le monde économique satisfont aux exigences du musulman de France. Seul le politique ne lui offre rien en sa qualité de musulman (quoiqu’on ait vu une candidate voilée au NPA ou un préfet de confession musulmane nommé par les bons soins du président).

Face à la xénophobie, le silence de nos élites

Or, ces questions taraudent les Français, cela les choque pour différentes raisons souvent exécrables, tantôt naïves, mais parfois justes. Et sur ces questions : silence radio, des politiques embarrassés, des intellectuels qui s’esquivent, des journalistes balourds et hop le malaise s’installe et le ressentiment s’accroît.

Devant le panneau publicitaire “fièrement halal” déjà précité, quelle est la réaction des non musulmans de ce pays ? Faisons le sondage…ma main à couper que “font chier ces bicots” arrivera bien avant le “savent plus quoi inventer ces publicitaires”. La haine pour s’exprimer préfère un visage à une idée. Autrement dit le fait que pour se faire du fric certains ne reculent devant rien choque moins que le fait que le musulman puisse avoir une publicité qui lui est exclusivement destinée.

Pourquoi les parangons de la bonne conscience se font-ils si discrets ? Voyons un peu, pourquoi Martine Aubry, Dominique de Villepin, François Bayrou pour en citer quelques-uns restent-ils si silencieux ? Pourquoi nos sociologues patentés, nos spécialistes en religion de tout poil, nos légistes verbeux, nos avocats tonitruants, nos Minc, Duhamel et consorts. Ces “modérés” bon teint faux culs se la bouclent. C’est qu’ils sont gênés aux entournures : il ne faut pas “stigmatiser” l’Islam, mais quid de “nos valeurs” ? Alors que faire ? Se taire, c’est l’option qu’ils ont choisie. Où l’on voit qu’à défendre par principe une laïcité ouverte (c’est à dire libérale) on se retrouve contraint de nier l’évidence : la montée du communautarisme sous l’œil désolé mais complice des pouvoirs publics.

Revendique tes racines et baigne toi dans la marmite mondialisée

On leur promettait la civilisation, ils ont eu la colonisation

On leur promettait l’intégration, ils auront la confessionnalisation

On leur promettait la nationalité, ils auront le droit à la différence

Les populations d’origine immigrée se voient reléguées au rang de tribu, un peu avec le même statut que les dhimmis chrétiens en terre d’Islam au Moyen-Age et après. Elles sont ainsi intégrées, par la magie du verbe dans la catégorie “Français de confession musulmane” et c’est en tant que telles qu’elles ont le plus de chance d’être entendues. Quelque part entre la gaypride et la journée du handicap, ils auront droit à leur marche “de la fierté méditerranéenne” au cours de laquelle des associations bienveillantes leur distribueront gratuitement un coran en arabe.

Les non musulmans seront cordialement invités à assister à ce carnaval “aux couleurs des keffiehs et au rythme des djembés”. Un mot rapide pour le peuple palestinien, quelques prêches dénonçant la dépravation de l’Occident, concurrence entre le cortège marocain et l’algérien…on se croirait à Londres !

Les fidèles d’Allah y dénicheront aisément des montres fabriquées en Chine et vendues sous le manteau qui leur signaleront les heures de prière (et l’Est ça peut être utile). Au boulot, ils pourront même se déchausser et dérouler leur tapis s’ils travaillent dans une “entreprise éco-citoyenne responsable et soucieuse des sensibilités religieuses de ses employés”.

Une bataille culturelle et sociale plus que religieuse

Ils ne seront plus français, ils seront des musulmans de France. La France, un espace vidé de sa substance : la nation. En prononçant des déchéances de nationalité à tour de bras, le gouvernement pousse dans ce sens. En être réduit à déchoir de la nationalité, c’est revenir au Parti Communiste qui n’avait d’autre choix que d’exclure ces brebis galeuses ! Ca en dit long sur l’impuissance de l’Etat…

Pour éviter que le lien social ne mute en peau de chagrin, il convient d’inverser la logique libérale à l’œuvre. Il faut s’interroger sur la restauration scolaire ou sur l’absentéisme pour raison religieuses, il faut interdire les publicités vantant les supposés mérites d’une spécificité religieuse, il faut interdire la mention de l’origine géographique d’un Français dans les médias. Bref, il convient de durcir la législation laïque, d’élargir son acception. On garantira ainsi la liberté de culte. On respectera le caractère privé de la foi.

Quelques femmes en burqa n’ont aucune incidence, des milliers d’affiches dans toute la France, ou la restauration de l’équipe nationale de foot sont des sujets bien plus anxiogènes qu’il convient de traiter. Les recettes consistant à ghettoïser davantage ces populations ne sont que des poisons qui peu à peu feront tomber le corps social. Il convient d’expliquer que le mélange peut former une identité nouvelle tandis que le repli communautaire (qui chômage aidant s’apparentera toujours plus à de la ségrégation) parasite la démocratie.

Cela le gouvernement n’en a cure. Il souhaite plutôt diviser ces populations en deux catégories : “le bon musulman” et “les voyous”. Entre les deux : pas d’alternative. Arabes de France, vous avez le choix entre la mosquée et la prison. L’important c’est de continuer à consommer pour la croissance du capital.

samedi 28 août 2010

Retrouvez-nous sur Reconquête 2012

Aux quelques lecteurs fidèles et occasionnels de Palimpsetse, je vous invite à nous retrouver sur le blog à 8 mains Reconquête 2012 ( http://www.reconquete2012.com/ )

Je vous souhaite une agréable lecture et vous conseille de vous abonner à la newsletter. Cordialement.

Rodolphe

mardi 24 août 2010

Le Hic, c’est la disparition des isthmes

Par quoi notre monde est-il gouverné ? Par le sexe et l’argent bien sûr, mais au delà ? N’y a-t-il pas quelque dieu moderne qui guide nos pas ? Qui nous fasse renoncer à la cassette d’Harpagon ou tourner le dos au charme d’Eros ?

De la révolution française à la fin du XX° siècle, l’espéranto mondial reposait sur les mots en “isme”. Chacun les comprenait, les interprétait, les contestait : Du patriotisme au nationalisme, du socialisme au communisme, de l’anarchisme au libéralisme, de l’impérialisme au colonialisme, l’isme était l’alpha et l’oméga de tout un chacun.  A gauche comme à droite on ismait les noms propres sans vergogne : le marxisme et le léninisme monstres froids se muèrent en guévarisme ou  encore en maoïsme jugés plus conformes à l’esprit de la deuxième moitié du XX° siècle. Puis, ce fut au tour du gaullisme, du thatchérisme pour les conservateurs. 

C’est ainsi que de nuances en subtilités les ismes s’accouplèrent ou fusionnèrent parfois au mépris de leur identité. Le socialisme s’allia au libéralisme et ensemble ils enfantèrent le blairisme. Les ismes se dénaturèrent si vite qu’on renonça à les employer. Avec eux, on enterrait les idéologies porteuses de tous les maux de notre société. Mais par quoi les remplacer ?

Plus propres et apparemment neutres, la publicité et les formateurs de non-opinion aidant,  les iques comblèrent le manque. Les iques firent leur grande apparition sensiblement au même moment que les ismes, mais restèrent en retrait jusque à la fin du siècle précédent. Ils étaient fils de la révolution industrielle alors que les ismes avaient été enfantés par la révolution française. Voilà le hic ! Les iques n’ont pas d’esprit tout juste un corps qui tend d’ailleurs à se dématérialiser. Les enfants de la technique envahirent tout : songeons à, la vieille aéronautique, où encore au grand oncle informatique et à sa cousine robotique… Il faut désormais compter avec le numérique, la génétique, la domotique, la fibre optique, que sais-je encore ! Qui sont-ils exactement, que véhiculent-ils ?

On serait tenté de répondre qu’ils ont pour vocation à transmettre des flux de vide. Mais ce serait aller trop vite en besogne. Quel nihilisme nous pousserait ainsi irrésistiblement vers le néant ? Les iques nous les consommons avidement, nous dépensons pour eux, nous produisons avec eux…ils sont nos compagnons quotidiens, des outils qui voilent nos solitudes respectives. Il s’agit ni plus ni moins que d’instruments paravents seuls capables de masquer le mode de vie contemporain fait de déplacements, de mobilité et de solitude. Ils sont le nouvel opium du peuple. Ils remplacent avec bonheur religions et projets collectifs. Harmonieusement, ils substituent l’outil à la pensée.

A l’instar des ismes, ils savent aussi, sinon mieux, faire rêver, promettre monts et merveille et qui sait l’immortalité : Ils envisagent la vie éternelle, l’échange instantané, le confort absolu quoique virtuel. Les iques sont conformes à l’esthétique : Designs et non salissants lorsqu’ils prennent la forme d’objet usuels, novateurs et pionniers dans leur forme scientifique, les iques sont conformes à notre monde livré à la techno-science. Nécessitant des concepteurs de haute volée et des utilisateurs serviles et stupéfaits, ils font vœu de propreté, d’ergonomie et de maniabilité.

C’est ainsi que les iques ont volé toute forme de transcendance à l’humanité. Ils offrent un présent perpétuel et à chacun l’illusion de communiquer avec l’autre. Les iques sont à l’évidence des moyens utilisés comme une fin. Pour contrer ces iques dévoreurs, je vous propose un isme radical pour dans cette lutte : l’archaïsme ! L’anti modernité a cette force unique d’être toujours à la mode. Je vais donc m’employer à graver ce texte sur une paroi rocheuse…à Lascaux ou ailleurs.

jeudi 1 juillet 2010

Dégager la clique au pouvoir : Peut-on décemment attendre 2012 ?

La boîte de Pandore s’est définitivement ouverte. Ce que chacun pressentait, ce que certains redoutaient, explose au beau milieu de l’obscurité. Tels un feu d’artifice en pleine nuit, le gouvernement et la présidence se sont engagés dans le bouquet final de leur décomposition. Le spectacle offert est de grande qualité, ça pète dans tous les sens, et à chaque fois les détonations font trembler les fondations.

L’affaire Woerth-Bettencourt-UMP met a nu les pratiques habituelles de ce gouvernement. Issus  des mêmes milieux que les grandes fortunes de ce pays, certains de nos ministres profitent à fond de ce lien intime pour confondre argent public et donations privées. Je te rembourse des cigares, je te ferme les yeux du fisc, je te fais 3 petits chèques, j’explose mon budget transport, je minimise ton héritage pour t’éviter de payer des droits de succession, je te divise par deux la valeur de tes lingots, j’embauche ta femme et tu fais disparaître mon île, je te confie une mission bidon à 9000 euros mensuels… Ces petits services entre amis sont à l’évidence monnaie courante. Le drame n’est pas tant dans la corruption qui est une pratique aussi ancienne que le métier de péripatéticienne mais dans le fait qu’unanimes, ils considèrent cela comme parfaitement normal. Le bouclier de l’immunité dont ils profitent ne leur suffit plus, il faudrait en plus qu’ils soient absous moralement. A croire qu’ils craignent davantage la justice divine que celle des hommes !

Confiné dans ses ministères ou dans ses jets, notre exécutif ne dispose plus que des sondages pour prendre le pouls du “peuple”. Or qu’indiquent jour après jour ces sondages ? Ou plus exactement qu’est ce qui intéresse Matignon et l’Elysée dans ces sondages ? Leur image bien sûr. Quelle perceptions mes chers concitoyens ont-ils de mon nombril ? Miroir, mon beau miroir… La réponse du reflet est cinglante : Dégradation continue. Dans toutes les catégories d’âge, dans toutes les catégories professionnelles, sur l’ensemble des sujets, tout s’effondre, dans des proportions importantes. Près d’un français sur deux ne fait “pas du tout confiance” aux chefs de l’exécutif. Seulement un sur quatre continue à leur accorder du crédit. La rupture est consommée. Cela peut arriver, mais ici encore, ce qui est grave est de passer outre et de faire comme si.

Comme si nos gouvernants se serraient vraiment la ceinture en supprimant du parc ministériel 20000 bagnoles et 7000 apparts.

Comme si, le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux pouvait amoindrir les coûts de fonctionnement.

Comme si mettre des fleurs artificielles dans les ministères constituait l’apogée de l’écologiquement correct et de la modération en terme de budget “décoration”. (Fallait le voir l’Estrosi sur France 2 !)

Comme si supprimer la garden party de l’Elysée effaçait les augmentations faramineuses de salaires qu’ils se sont tous octroyés.

Comme si, le bouclier fiscal était profitable à l’intérêt général.

Comme si la croissance allait revenir. Comme si le chômage allait baisser. Comme si reculer l’âge de la retraite constitue une “réforme” quand il ne s’agit que de ponctionner encore plus. Comme si la dette se résorbait. Comme si ne plus signaler les radars améliorait la sécurité. Comme si les banques privées étaient notre garantie de liberté. Comme si les affaires footballistiques avaient une quelconque importance.  Comme si la baisse de la TVA sur la restauration n’était pas une mesure à l’avantage des seuls touristes et des professionnels du secteur. Comme si supprimer la taxe professionnelle serait sans conséquence sur les budgets des régions, des départements, des municipalités. Comme si 2 millions de personnes dans la rue, c’était anecdotique.

Comme si, comme si, comme si…ces gesticulations constantes mais néanmoins erratiques n’étaient pas semblables aux convulsions précédant un dernier soupir.

Ne voient-ils pas qu’essayer de faire gober cela à des gens qui n’en peuvent plus, qui sont écœurés c’est les mépriser encore davantage. Ne savent ils pas qu’en communiquant ainsi, ils risquent de se faire couper la tête ? Ne sentent-ils pas l’envie d’en découdre et quelque odeur de poudre ? Ils se sont rendus haïssables et leur suffisance n’a d’égal que leur incompétence.

Dans de telles situations, le pouvoir en place a généralement tendance à se rattraper sur les faits divers. A verser une larme, avoir un geste de compassion. Une attitude charitable ou chrétienne, histoire de faire bonne figure. Ceux-là même pas. Ils en sont incapables

Les a-t-on vu auprès des sinistrés et des familles endeuillées suite aux inondations dans le Var ? Non.

Les a-t-on entendu avoir un mot pour Mohammed tabassé à mort sur l’autoroute pour avoir voulu faire un constat ? Non.

Les entend-on déplorer le nombre croissant de cercueils français en provenance d’Afghanistan ? Non.

Les voilà au chevet des Bettencourt, des Peugeot, des Johnny, des Clavier. Les voilà interrogeant le couple Obama sur le fait de faire patienter leurs hôtes pour cause de baise. Les voilà s’énerver et bafouiller quand ils sont interrogés du bout des lèvres sur l’affaire Karachi (15 morts français dans un “attentat” au Pakistan en raison de rétro-commissions non versées suite à la campagne Balladur dont le trésorier était bien sûr l’hôte actuel de l’Elysée.) En voilà d’autres intimer les journaliste de “se taire” sur ces affaires (Lefebvre 1er juillet France Inter). Voici des services de sécurité du président qui cognent des journalistes de France3, tandis que 2 journalistes de cette même chaîne croupissent depuis 6 mois en Afghanistan.

Il ne leur reste finalement plus qu’une chose à faire : truquer les élections. Mais que dis-je, c’est en cours. Pour éviter que le Sénat ne passe à gauche en 2011, on crée de nouveaux sièges (une mesure d’économie sans doute), pour éviter des déroutes futures aux régionales et cantonales, on envisage de modifier le mode de scrutin en le faisant passer à un tour, avec majorité pour celui arrivé en tête quel que soit son score. Ils redécoupent les circonscriptions législatives.

Des jouisseurs, des profiteurs, des corrompus, des avides de pouvoir, des crétins sans éducation, des violents, des hors la loi, des exilés fiscaux peuplent nos institutions. Il est grand temps qu’ils se barrent, la situation devient intenable. Cela fait maintenant 3 ans que notre pays s’appauvrit, se divise, que le niveau de vie baisse, que l’insécurité ne cesse de croître, que le vivre ensemble est devenu chimérique. Pouvons nous tenir encore deux ans ? Pour sauver quoi ? Un semblant de démocratie ? Pouvons-nous supporter encore leurs insultes ? Courber l’échine ?

lundi 21 juin 2010

A la retraite les bleus !

Extraordinaire ! Cette tranche de vie de notre équipe nationale de football est extraordinaire. Des résultats catastrophiques qui s’enchaînent, des joueurs qui insultent leur sélectionneur, des joueurs virés, des joueurs en grève, des téléspectateurs pris en otage, un presse qui à l’unisson éructe, un gouvernement et un président qui considèrent cela comme “inacceptable”… Un concentré de la vie quotidienne : un agent SNCF agressé, une grève paralysante qui s’ensuit, franciliens bloqués, les journaleux dans les gares, micro trottoir des “otages” éructant. Ou encore, tel employé viré, par solidarité les collègues qui se mettent en grève et menacent de tout faire péter par l’intermédiaire du sélectionneur CGT local. Cette affaire sud africaine, dans ses développements, est vécue et traitée de la façon la plus banale qui soit : Un fait social avec l’ensemble des ingrédients nécessaires à son entretien médiatique qui ipso facto obtient un traitement digne d’un bon fait divers.

Concordance des temps. Les millionnaires sont en grève… c’est un peu aussi délirant que des étudiants en grève ou des grévistes sans papiers. Décidément le monde du ballon ne tourne plus très rond. Mais ça tombe également mal, à 3 jours d’une journée de mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites.En sourdine, la comparaison s’impose entre ceux qui touchent plus en gagnant moins (voire jamais) et ceux qui perdent plus en travaillant plus. Il y a bien là une forme d’indécence qui s’accroît du fait de la juxtaposition de ces deux événements.

Ah, ces Français, toujours grévistes, et aux yeux du monde entier cette fois. Mais, vont-ils au moins perdre une journée de salaire ? Que nenni ! C’est bien là leur seul exploit au demeurant. Faire grève, hypnotiser un pays et ne rien perdre financièrement : quel tour de passe-passe ! Il faudrait les sanctionner,  les mettre au corner par exemple. Car hors jeu, le métier de footballeur consiste bien à s’entraîner n’est-ce pas ?

Catalyseuse d’un ressenti cette équipe ?  A l’image de notre société ? Pas si simple. D’abord qu’ont à voir ces 23 mecs avec la France? La plupart vivent à l’étranger, aucun ou presque ne paie ses impôts en France, nombre d’entre eux sont nés à l’étranger, tous vivent dans le monde hors sol du business outrancier depuis leur adolescence. Autant de raisons qui  justifieraient bien une déchéance de leur nationalité. Eric et Brice vous avez bien entendu ? Beaucoup d’entre eux en revanche ont grandi dans des quartiers périphériques de grandes agglomérations françaises. Les voilà classés dans la racaille ou dans celle des discriminés, c’est selon. Nous trouverions donc en eux un condensé de ce que produisent nos chères banlieues. Le discours du black blanc beur de 98 consistait à démontrer l’existence d’un french way of life qui passait par la station “intégration réussie”. Mais voilà, la réussite par le sport pour les cons a montré ses limites, qualitatives comme quantitatives. Le modèle s’effondre. Et c’est bien en cela, un modèle (ou un mythe) qui s’effondre que notre adorable club des 23 est révélateur. La charpente vermoulue finit par s’effondrer. On passe de Zidane à Anelka ou de Chirac à S. , c’est selon. L’exemplarité se mue en repoussoir. Non que des les deux prédécesseurs furent exemplaires, mais ils étaient encore capables de maintenir l’illusion, leurs disciples n’ont plus que leur nombril.

Et le “traître des vestiaires”, celui qu’il faut démasquer selon le capitaine de l’équipe, qui est-il ? Celui qui met sur le devant de la scène les problèmes de cohésion, l’irrespect envers le représentant de l’autorité, ou l’antagonisme entre les différentes communautés dans l’équipe. Voyons qui peut profiter de cela ? De ces thématiques ?  Qui s’interroge sur la “représentativité” de cette “somme d’individualités” incapable de former une équipe ?  Cette équipe noire des bleus ? Marine bien sûr. Le FN est le seul vainqueur français de cette compétition. Sans doute célèbrera-t-il l’élimination par un apéro saucisson pinard à Saint Denis, soit au stade de France, soit dans la basilique au milieu des tombeaux royaux.

A gauche, on hurle contre ces millionnaires à crampons, indignes de représenter leur pays. A l’extrême droite on met en cause leur appartenance à la nation et donc leur légitimité à porter le maillot. A droite, on pense de même mais on le dit en mode mineur. Privé du cirque (mais pas du grand guignol !), le peuple français n’a plus que le pain, mais la ration diminue.

24 juin 2010 : DIES IRAE ?

jeudi 3 juin 2010

Israël, une anomalie ?

La récente attaque par Tsahal d’une flottille humanitaire dans les eaux internationales, incite Palimpseste à s’interroger sur la nature de l’Etat d’Israël.

 

Israël est un pays des plus jeunes qui soit. Fondé en 1948, l’Etat hébreu s’est bâti, avec l’accord de la non moins jeune ONU. C’est toutefois par la guerre contre les Etats voisins que le pays s’est construit une identité. Les bases idéologiques d’Israël, à savoir le sionisme, mouvement laïc et nationaliste sont en revanche plus anciennes et remontent au XIX° siècle. Elles apparaissent en décalage avec l’esprit de l’après deuxième guerre mondiale. Le nationalisme était alors en repli dans le monde entier, car perçu comme l’origine des fureurs de la première moitié du XX° siècle. La mode de l’époque était l’impérialisme soviétique ou américain. Cet acceptation quasi unanime de la communauté internationale reposait sur deux éléments déterminants. Primo, la nécessité de permettre aux juifs, et d’abord ceux d’Europe, de garantir leur sécurité future : un Etat juif donc, défendu et gouverné par des juifs, soutenu par les puissances mondiales. Secundo, la réactivation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, principe cher au président Wilson qu’il avait tenté d’imposer à la sortie du premier conflit mondial et qui avait abouti au redécoupage désastreux de l’Europe suite au traité de Versailles.

Notons au passage qu’en agissant ainsi, on admettait que les juifs formaient un peuple, ce qui est un contresens historique : Tout au plus, les juifs éparpillés sur plusieurs continents formaient-ils une communauté religieuse. La fondation d’Israël est ainsi à contre courant de l’histoire. Paradoxe donc que d’avoir un Etat laïc et un ciment social reposant sur l’appartenance religieuse. Un Etat jeune et laïc donc mais qui trouve sa légitimité dans un recueil de textes religieux antiques que l’on appelle Ancien Testament. La réactivation de l’hébreu, langue du culte devenue vernaculaire,  participe de cette ambigüité : les Israéliens se comporteront en peuple pionnier sur la terre,qui appartenait, pensent-ils, à leurs ancêtres.  Modernité et archaïsme

Suite à la fondation de l’Etat, de nombreux juifs se lancent dans l’aventure des kibboutz, forme de collectivisation agricole librement consentie. Le mouvement laïc est très puissant, la gauche socialiste est alors plutôt dominante politiquement et culturellement écrasante. Cependant, très vite, l’URSS se détourne d’Israël et les Etats-Unis s’en rapprochent, jusqu’à devenir leur bailleur de fonds et leurs alliés inconditionnels.

Il se trouve qu’Israël est aussi une anomalie régionale : seul Etat démocratique du proche Orient, le pays se dote néanmoins de l’arme atomique grâce au soutien de la France. Pays non signataire des traités de non prolifération, non respectueux des résolutions de l’ONU, et en état de guerre quasi permanant, Israël n’a jamais été inquiété. Le caractère démocratique de l’Etat a longtemps servi de justification à la protection absolue que les Etats-Unis assuraient à la tribune de l’ONU comme ailleurs. Cependant, là aussi, il convient de s’interroger sur la nature de cette démocratie israélienne. D’abord, celle-ci ne fait que peu de cas des arabes israéliens : au quotidien un million et demi de personnes voient leurs droits bafoués et leur liberté amputée. Sous citoyens, soupçonnés de déloyauté envers Israël, ils sont relégués dans la vie politique et professionnelle. Ils rejoignent en cela une population officiellement juive, celle des juifs noirs (ou Beta Israël, ou juifs d’Ethiopie), venus de la corne de l’Afrique. Bien que pratiquant le culte judaïque, ces 120000 Israéliens sont mal perçus par la majorité juive blanche et confinés dans les couches sociales inférieures. Victimes du racisme des juifs blancs, ils se regroupent dans des quartiers que désertent les familles blanches. Selon un sondage de 2005, 43% des juifs israéliens blancs ne souhaitent pas que leurs enfants se marient avec un membre de cette communauté. S’instaure donc progressivement une société à plusieurs vitesses où les discriminations légales sont monnaie courante. Drôle de démocratie…

Autre entorse, le mode de scrutin, à la proportionnelle intégrale, suppose des alliances, parfois contre nature, qui profitent d’abord aux partis minoritaires, indispensables pour former une coalition majoritaire à la Knesset (parlement). Par le truchement d’un mode de scrutin défectueux, la majorité de la population se retrouve soumise aux injonctions de partis ultra-minoritaires et extrémistes.

Autre curiosité, la démographie israélienne juive : Les taux de natalité sont proches de ceux du monde occidental (2.7 enfants/ femme) alors que la fécondité des femmes arabes reste proche de 4. Le péril démographique est donc une phobie partagée par beaucoup de juifs israéliens : Ils craignent que la fécondité élevée des femmes palestiniennes et arabo israéliennes ait pour effet de rendre les juifs minoritaires en leur Etat. D’où une politique d’immigration massive à destination des juifs du monde entier. L’objectif étant de compenser le déficit comparatif de naissances. Cette politique a fait preuve d’une redoutable efficacité au moins jusqu’à 2006 : Depuis l’éclatement de l’URSS, plus d’un million d’immigrés russes ou des anciennes républiques soviétiques se sont installés en Israël. Cet apport massif a eu pour effet de déséquilibrer la structuration sociopolitique de la population israélienne. Séfarades d’Afrique du Nord et Ashkénazes d’Europe centrale ne sont plus si majoritaires. Ces juifs russes ont émigré dans un état d’esprit bien différent de celui de leurs prédécesseurs. Goût prononcé pour l’argent, désir fort de revanche sociale, Israël représentait pour eux un Eldorado davantage qu’une Terre Promise. Ils accèdent ainsi à la propriété et se comportent en territoire conquis. Rien d’étonnant à ce qu’ils soient parmi les mieux représentés dans les fameuses colonies israéliennes. Peu religieux mais ultranationalistes, ils donnent leurs voix aux extrémistes de Lieberman, juif d’origine moldave et désormais ministre des affaires étrangères. Le centre de gravité politique israélien s’est donc largement déplacé à droite depuis leur arrivée.

Reste à s’interroger sur la légitimité d’Israël à mener une politique étrangère et frontalière contraire au droit international. Guerre préventive au Liban, assassinat par les agents du Mossad d’arabes influents dans la péninsule arabique, politique d’exécution ciblée en Palestine, blocus de Gaza, incursions armées en Cisjordanie, colonisation outrancière, et assaut sanglant contre des humanitaires. Au nom de quoi Israël pratique-t-il cette politique désastreuse pour la paix en toute impunité ? Première raison invoquée, Israël a des ennemis : groupes terroristes palestiniens, Syrie hostile et Iran faisant profession de foi d’antisémitisme. Cependant les uns comme les autres sont durement sanctionnés et étroitement surveillés par la communauté internationale. Reste alors le poids du passé, celui de l’holocauste. L’ extrême souffrance et l’entretien de la mémoire du génocide expliqueraient la persistance d’une angoisse commune aux juifs d’Israël quant à leur survie. Cette crainte d’une répétition de l’histoire justifie ainsi l’ensemble de mesures illégales mais vécues en Israël comme une légitime défense. Conjuguée à une repentance commune à tout l’Occident, cette crainte (très profonde mais très improbable aujourd’hui a pour effet de conférer à  la politique d’Israël un régime d’exception.

Or, la mémoire du génocide n’est plus si vivante. Les vieillards d’aujourd’hui étaient des gamins en 42. Pour la génération montante les traces de l’holocauste dans leur famille remontent à la troisième génération. Conscients d’être issus d’un peuple qui a infiniment souffert, ils n’ont en revanche rien eu à endurer de plus que les autres…et singulièrement eu égards à  leurs voisins Palestiniens. Le génocide ne peut plus leur servir de justification et l’agiter sans cesse devient, le temps passant, contre productif. Il n’y aurait rien de plus grave pour les Israéliens et d’incompris dans le reste du monde, que de continuer dans les années qui viennent à entretenir Israël dans son régime d’exceptionnalité.