dimanche 13 décembre 2009

De quoi la suppression de l'Histoire en terminale S est elle le nom ?

Encore un débat à propos duquel tout a été dit ! et son contraire aussi. L'enseignement de l'Histoire en Terminale S.

Je sais, oui je sais bien cher lecteur, que tu as été submergé par les pétitions télécommandées, par les polémiques stéréotypées, par les faux quiproquos ou les raccourcis falsificateurs, inondé par l'information, submergé par la désinformation. Je sais que désormais tu es déchiré entre ta conscience humaniste et ton cynisme pragmatique. Je te sais hérissé par les bonnes consciences, figures morales et autres intellectuels du dimanche, qui horrifiés, s'épanchent longuement dans les colonnes de tes lectures préférées. Je te vois abasourdi devant l'inculture notoire de ce ministre de l'éducation ancien représentant de commerce, qui, par ses affirmations péremptoires, ses illusions comiques, ses justifications vaseuses ne font qu'aggraver l'image ternie de l'éducation nationale. Je te sais épuisé cher lecteur, épuisé mais aussi en colère car pourquoi après tout, conférer tant d'espace et de salive à un sujet si mineur ?

Je crains que malgré tout, le sujet mérite attention et que l'essentiel soit, une fois de plus, passé délibérément à la trappe. Ou, ce qui est pire, que chacun s'autocensure, de peur d'ouvrir la boîte de Pandore. Car que signifie vraiment cette suppression ?

Sur ce sujet, le "débat public" est en complet décalage avec la réalité de terrain. Commençons par éclaircir cela :

La querelle des Anciens...

La filière scientifique : De quoi s'agit-il aujourd'hui'? Les "anciens", disons ceux qui ont plus de 50 ans de nos jours (et qui dans la majeure partie des cas ne sont pas titulaires d'un bac), ceux là mêmes qui "animent" et initient le "débat" arguent souvent du fait que les scientifiques doivent effectivement privilégier l'enseignement scientifique : les maths, la physique, les sciences de la vie et de la terre (ex biologie) etc. Puisqu'ils sont destinés à devenir "ingénieurs ou informaticiens" qu'ont ils à faire de l'enseignement historique et géographique en terminale ? Bien sûr j'extrapole un peu : nombreux sont aussi ceux dans cette classe d'âge qui estiment que les "humanités" sont le nécessaire pendant d'une culture scientifique, mais ils demeurent néanmoins plus enclins à penser "qu'en ces temps difficiles de chômage" il convient de se spécialiser davantage et plus tôt. Ils pensent de bonne foi qu'il est nécessaire de "renforcer les sciences en S" comme il faut "renforcer les lettres en littéraire". Or, poursuivent-ils, vue la situation politique et économique actuelle, ce "nécessaire rééquilibrage" ne peut, malheureusement, que s'effectuer aux dépens des autres disciplines.

Ce raisonnement se tient, mais il méconnaît l'essentiel, à savoir ce qu'est devenue cette voie scientifique depuis une quinzaine d'années au moins.

... et du Terrain

Que représente quantitativement la filière S ? 50 % des lycéens en voie générale optent pour la série scientifique. Sachant que la proportion de bacheliers en voie générale (en ôtant les bacs technologiques, professionnels et autres CAP ou BEP) représente également environ 50 % d'une classe d'âge. On peut donc dire qu'environ un ado de 15-18 ans sur quatre suit, et obtient un baccalauréat scientifique. Numériquement, il s'agit donc de la catégorie la plus importante.

Après l'obtention de leur diplôme, vers quelles études se dirigent les néotitulaires du bac S ? Ils sont minoritaires à poursuivre des études supérieures scientifiques. Ils peuplent les écoles de commerce, les facultés de droit et d'économie, de lettres, les écoles prépas, privées et publiques. Les facultés scientifiques (hors médecine) ont du mal à maintenir leurs effectifs. Les"scientifiques" tirent ainsi profit d'un enseignement complet jusqu'en terminale qui leur ouvre toutes les portes y compris scientifiques, qui restent closes aux titulaires des autres bacs.

La situation de cette filière est donc des plus paradoxales : considérée comme élitiste, elle fournit dans le même temps le plus gros contingent de bacheliers, et, cerise sur le gâteau, ne donne que peu goût aux dites discplines scientifiques.

La voie scientifique est donc généraliste, c'est ce qui explique son succès.

Ainsi supprimer l'enseignement de l'histoire géographie en terminale scientifique ne permet pas de mieux former les futurs scientifiques, mais il ôte à des bâcheliers d'élite car généralistes, la possibilité de suivre un enseignement complet.

Ce qui fait le prestige du bac S, ne réside pas tant dans le fait que l'enseignement en science est très poussé, mais plutôt dans la nécessité d'"être bon partout".

I HAVE A NIGHTMARE

Chercher à supprimer l'enseignement historique et géographique en terminale S, relève d'un courant de pensée, devenu très puissant depuis l'ère sarkozienne, que je nommerais l'"antiélitisme" ou l'"anti intellectualisme". Somme toute il s'agit d'une forme de populisme, dans laquelle le dominant singe les plus dominés : Registre de langage, goût du luxe clinquant, mépris affiché de la Princesse de Clèves comme de toute forme d'académisme, rejet viscéral de ce qui prend du temps, éloge de l'immédiateté, bref un monde en deux dimensions, le présent immédiat et le futur toujours lointain. Ceux de tout en bas comme ceux de tout en haut ont cela en commun., la détestation de ceux qui prétendent savoir et "pensent pour eux". L'ennemi c'est donc le savoir général , la connaissance encyclopédique, le raisonnement universel ou le touche à tout. L'allié c'est le spécialiste, le pointu, l'exégète... bref, celui qui a de vastes compétences sur un domaine le plus réduit possible. Car, pour les dominants, quoi de plus redoutable pour se mettre dans la poche la masse des ignares, que de faire leurs cette attitude ? Il s'agit de conforter le beauf et d'exploiter au mieux son inculture en lui offrant chaque jour son triste reflet dans les médias. "J'suis comme vous moi ! et j'vais vous dire si y en a qui croit que c'est facile ce que je fais eh bien qui(ls) viennent à ma place !"

Mais le danger véritable pour ceux qui nous gouvernent, provient de ceux qui ont en commun le goût des bons mots, le plaisir de la nuance, l'amour de la phrase bien tournée. Ceux qui aiment le complexe, l'indicible, ceux pour qui il existe un monde des idées. Ceux là, ils faut les faire taire.

Pour leurs enfants ils offrent la reproduction sociale garantie. Voyez, même plus besoin de fournir un effort, nul nécessité d'élargir votre champ de connaissances, perfectionnez simplement vos compétences, vos savoirs faire, votre technicité et tout ira bien. Pas de concurrence à craindre, juste se donner la peine de naître !


Les valeurs de demain ? Celle des techniciens ?

A SUIVRE

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