Derrière le ralliement forcé au président sortant, on trouve moult ambitions individuelles plus ou moins dissimulées. Cela est de bonne guerre. Mais concrètement, le nombre de candidats potentiels de droite en 2012 demeure impressionnant : M. Le Pen, N.Sarkozy, D. De Villepin, N. Dupont Aignant, H.Morin, F Bayrou. 6 candidats de droite au premier tour, voilà qui serait pratiquement inédit. On peut imaginer une configuration réduite à 5 mais ce chiffre reste quand même considérable. Electoralement cela signifie 2 candidats d’extrême droite (j’y reviendrai) 1ex repenti néogaulliste, un pur jus gaulliste souverainiste, 2 centre droit européistes. En gros 2 candidats pour chaque famille de la droite. On frôle le trop plein ! D’autant qu’aucun d’entre eux ne pourra jouer le “centriste du centre” avec le père FMI à gauche. Ces familles regroupées représentent environ 51-54 % des votants en France. Le risque pour Sarkozy est double : Dans cette configuration (à 5 ou 6) il peut aussi bien être devancé sur le fil par Le Pen, qu’être le Jospin de la Droite c’est à dire amener une situation ou son camp, quoique majoritaire (comme l’était la gauche en 2002 au premier tour), soit privé de second tour. L’étiage d’un sortant présidentiel se situe autour de 19 % (Chirac 1er tour 2002 moins de 20 %) Voilà pour le matelas. Un tel score ne lui garantit pas de passer au second tour, il doit donc donner aux personnes de droite envie de voter pour lui plutôt que pour un concurrent de son camp.
Il est vrai que “l’instinct” de l’électeur de droite est de voter d’emblée pour son champion, du fait de l’amour que tout électeur de droite porte à l’idée du “chef”. Ceci dit, quoiqu’il arrive, Sarkozy arrivera en 2012 salement amoché y compris dans son camp. L’indécis de droite, par respect pour le chef, n’ira pas donner sa voix à un diviseur, certes, mais ira-t-il voter ?
Sarkozy saura rallier au 2° tour contre la gauche, mais parviendra-t-il à ce stade là ? Il est certain qu’au delà des 20% les voix seront chères. Il ne les gagnera que sur une dynamique de campagne. Or, une campagne réussie dépend d’abord du positionnement politique, de la posture dirait-on si l’on était cynique.
Car l’homme ne plaît plus guère et surtout ne surprend plus. Car s’appuyer sur un bilan s’avère pour le moins délicat. Donc, ne lui reste que l’option du positionnement. Que peut-il envisager ?
Le libéral : Tactique qui aura le mérite d’hérisser la gauche et de ne pas être portée par un autre candidat de droite. Le voilà redevenu “clivant”, il pourra espérer faire le débat. Risque : prêter le flanc sur sa droite, délaisser les thématiques sécurité/immigration/identité. Au final, option peu probable ou mezzo voce .
Le gaulliste qui a trouvé sa voie au delà des partis : “Changé” une énième fois, il incarne enfin sa fonction. Au dessus de la mêlée, il parlera gouvernance européenne, Europe et régulation de la mondialisation. Risques : le créneau est déjà pris par Villepin et Bayrou, potentiellement inaudible. Et face à DSK risque du ridicule.Lassitude possible de l’électorat devant sa nouvelle métamorphose. Campagne qui ne “prend pas”.
Reste la posture du “droitier assumé”. Immigration, insécurité, identité nationale et/ou religieuse. Et voilà notre Sarko transformé en Berlu, en Haider, en leader minimo. Concurrence possible avec la Le Pen. Espoir ? siphonner une nouvelle fois ses voix. D’autant que la posture “néogauchiste” de la dame pourrait lui laisser une opportunité. Risque : rassemblement large de la gauche et du centre. Peu de réserves au deuxième tour.
Dernière option : le bilan. La continuité. L’homme qui rassure. Garantie de passer le premier tour avec le matelas de 25% d’opinion favorable. Mais dans ce cas difficile de mobiliser 5O,1 % des voix pour “que ça continue comme avant”. Même un mou du bulbe légèrement rosé suffirait à le battre.
Maintenant envisageons cela avec l’hypothèse DSK.
L’homme du FMI est sûr de l’emporter face à Sarkozy au deuxième tour certes, mais finalement il est également le seul autre candidat qui devra défendre un bilan (moyen) dans une institution peu reluisante (le FMI) pour ceux de son camp (la gauche). L’homme qui supprime des milliers de fonctionnaires dans le monde entier, qui privatise les services publics, qui impose des plans de rigueur aux pauvres. Un beau slogan pour le peuple de gauche !
L’homme perdra donc nécessairement beaucoup de voix sur sa gauche. S’il est cantonné au centre par un Bayrou et ailleurs par des écolos un peu moins naïfs qu’à l’habitude, il peut ne pas franchir le premier tour.
En réalité, DSK ne représente pas une alternative mais un renforcement ( la mondialisation libérale à fond) des dynamiques à l’œuvre actuellement. Il pourra en revanche essayer d’incarner un certain apaisement dans la pratique du pouvoir par rapport à son agité de prédécesseur mais il ne sera pas le seul à occuper ce créneau là. Or, chacun sait que dans les choix économiques, la présidence DSK ne saurait infléchir sensiblement la tendance actuelle…car l’homme ne le peut (ce ne sera pas pour ça qu’il sera élu) ni ne le veut (eu égard à ses fonctions passées et à ses vertus cardinales : libre concurrence, libre marché, etc).
La droite umpiste n’a en réalité de meilleur allié, la preuve ? C’est l’homme de gauche le plus apprécié à droite. Le même est moins apprécié à gauche qu’Aubry, c’est dire. Les intérêts de la droite n’ont rien à craindre d’un DSK président. Lui aussi sera, à coup sûr, le président des riches. D’ailleurs c’est les seules personnes qu’il fréquente encore à Washington.
A ce stade, arrêtons-nous. DSK doit surmonter avant cela un obstacle incontournable, à savoir les fameuses primaires du PS. A supposer que celles-ci se déroulent convenablement, il n’a que peu de chances de les emporter. Il est dans la même position que Delors en 1995. Un homme lointain qui paraît puissant. Come Jacques, Dominique n’est plus en prise avec les Français. Et, je l’ai déjà signalé, il n’est pas le plus populaire à gauche. L’éloignement doctrinal et géographique du directeur du FMI risque de peser lourd dans des primaires où l’on s’écharpera à coup sûr. Comme Delors, il est populaire. Comme Delors, il a l’image du centriste, comme Delors, il ferait mieux de renoncer. Il y a pour lui un risque de déroute aux primaires. Tout le monde le veut mais personne ne l’attend. Hormis les bras droit du PS, qui est impatient de le voir entrer en scène ? Il est l’homme providentiel, il est le grand vainqueur, il est celui pour lequel on n’a pas besoin de voter. Sera-t-il en mesure de faire déplacer les foules aux primaires ? Entre septembre 2011 et octobre suivant, sera-t-il en mesure de mettre sur pied une dynamique suffisante à gauche (et pas dans les sondages !) ? A mon avis non.
Si toutefois, à ma grande surprise, DSK emporte les primaires demeurera l’hypothèse suivante : Entre Sarkozy et lui c’est comme entre Talleyrand et Napoléon : c’est le principe des vases communicants, l’un ne peut s’envoler si l’autre ne s’enfonce pas.
Pour se qualifier au deuxième tour, quelles stratégies s’offrent à Strauss Kahn ? En posant cette question, j’en viens à douter que l’homme puisse même se la poser. Sûr de son coup, il fera peut être d’emblée une campagne de deuxième tour, comme Jospin en 2002. Toutefois, quel positionnement adoptera-t-il pour la campagne?
- Première possibilité : Etre lui même. Le banquier du monde au chevet d’une France malade. Quels sont les atouts de cette stratégie ? Pouvoir surfer plus longtemps sur son “capital de sympathie” comme on dit de nos jours. Etre en quelque sorte “inatteignable” genre blanche colombe entourée de vulgaires crapauds. “J’ai la confiance des marchés, la France peut se relever et recouvrer sa place dans le concert international. Je connais mieux que quiconque les limites entre le souhaitable et l’irréalisable. Les autres peuvent rêver tout haut, moi je suis dans le concret”. Ce type de tirade reviendra sans doute comme un leitmotiv au cours de la campagne. Limites de la stratégie : apparaître distant et roboratif. Effritement progressif, désintérêt croissant. Prête le flanc aux critiques venant de la gauche, dispersion de l’électorat. Comment se distinguer d’un Bayrou, voire d’un Sarkozy qui l’a placé lui même à la tête du FMI ? En creux ça donnera “Si tu parles de là où tu es, c’est grâce à moi. Tu es un bon gestionnaire mais je suis le visionnaire.” Bref, cette tactique n’est pas tenable sur une campagne de 6 mois.
- Alternative : Gauchiser son image voire son programme. Avantage, mieux rassembler son camp. Risque de ne pas mordre sur l’électorat centriste. Devant ce choix cornélien, le curseur est difficile à placer. Mais surtout une attitude peu crédible eu égard à son passé (plus que récent) au FMI. Donc, des difficultés pour convaincre “à gauche” et l’électorat modéré déboussolé.
- Dernière option : celle du trublion. Profiter d’une image d’homme sérieux dans “le cercle de raison” pour tenir une position iconoclaste. “Le libéralisme c’est la gauche” ou “le fédéralisme européen, voilà l’avenir” ou encore “dé-présidentialisation du régime républicain”. Objectif : allier la constance de l’homme responsable (sérieux) et la rupture politique (transformation majeure). Mais un tel pari suppose beaucoup de courage politique et sied davantage aux outsiders qu’aux favoris. Or, l’homme est prudent, sa déroute cuisante aux “primaires” de 2007 ne l’incitera pas à prendre des risques. Ce choix tactique ne sera donc pas le premier, il ne s’agira que d’un recours en cas de difficulté.
Or, s’ils sont tous deux candidats Sarkozy + DSK représentent moins de 50% du paysage politique français car ils sont sur le même registre. Et quelque part, le même bilan. Une grave crise économique à gérer (mon dieu les pauvres !), les sacrifices qu’il faudra faire etc. A priori donc, ils ne pourront réunir chacun 25% des voix. En deçà de ce seuil, l’accès au deuxième tour n’est pas garanti. Il y aura un troisième homme(ou une femme). Voire un(e) quatrième…
Reste la médiatisation de la campagne. Combien de sondages où les deux principaux prétendants seront “testés” au deuxième tour ? Combien de manchettes sur “le duel qui s’annonce” ? Combien d’invitations aux 20 heures ? Combien de fois la messe sera-t-elle dite avant le premier tour ? A toutes ces questions, nul doute que nos deux coqs devanceront largement leurs adversaires. Reste à savoir quel effet cela produira sur les citoyens. Il y a fort à parier qu’à l’instar du référendum de 2005 ou de la mobilisation sur les retraites de 2010, l’overdose prenne le dessus. Une presse officielle trop univoque est la meilleure garantie pour un effet boomerang que l’on décèlera quelques semaines avant le jour J sur le net.
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