jeudi 29 avril 2010

Vaste collusion pour grande régression

J'écrivais cela le 15 février dernier dans l'article Grèce : comment l'esprit de Périclès périclita

"Si le cas de la Grèce est emblématique, il n'en demeure pas moins périphérique. Ce qui menace n'est pas tant la cessation de paiement de la seule Grèce, ni l'effet domino, la Grèce ne représentant que 2.5% du PIB de la zone euro. On entend aussi parler du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie, on susurre parfois aussi la France. Mais, la réalité est toute autre, tous ces pays ne sont que des paravents : les dangers les plus importants menacent la Grande Bretagne et surtout les États-Unis dont les dettes publiques et les déficits sont abyssaux."

Un fil d'Ariane dans un labyrinthe pourtant cousu de fil blanc

Nous sommes aujourd'hui fin avril à la moitié du chemin. L'effet domino, tant prévisible a bel et bien débuté et nous savons bien que ce type de dynamique, une fois enclenché, est quasi impossible à stopper. Or, dans cette intervalle de 45 jours qu'ont entrepris les gouvernements européens pour colmater la brèche et éviter la contagion ? Rien, strictement rien. Il ne fallait pas être devin pour anticiper ce mécanisme, la preuve je l'avais évoqué ! Au moment où j'écrivais l'article je notais que la Grèce empruntait à 6% sur 10 ans. Aujourd'hui c'est plus de 11%
Tout un chacun sait aussi, que les prophéties auto-réalisatrices ne sont pas rares en matière économique surtout lorsqu'on aborde le monde financier qui joue constamment à se faire peur.

Ulysse pris entre Charybde et Scylla

L'autre aspect de mon texte visait à montrer combien les politiques étaient à la merci des "investisseurs" et par là combien les populations étaient dépossédées de leur souveraineté. L'attitude des gouvernements européens depuis lors n'a cessé, hélas, de confirmer cette analyse. L'inaction en matière d'aide concrète combinée aux injonctions délirantes faites à la Grèce ( on est allé jusqu'à demander aux Hellènes d'amputer les salaires privés, ou encore de geler le recrutement dans le public !) nous amènent à envisager non une soumission des pouvoirs politiques aux marchés financiers mais à une collusion entre eux. Même avec la meilleure volonté du monde et , sans rien céder aux chants de sirènes des thèses conspirationnistes, tout concourt à avancer la connivence, l'entente tacite entre ces deux groupes.

Ulysse prêt pour un grand voyage européen

Dans cette perspective, le cas de la Grèce va être érigé en paradigme par les gouvernants (politiques). Sur l'air bien connu de "Nous avons été cigale dispendieuse nous devons redevenir fourmi laborieuse." annoté du couplet sur "Regardez les réformes courageuses entreprises par nos voisins européens" la grande régression sociale européenne pourra commencer à prendre forme. Car pour les marchés financiers, l'unique moyen pour l'Europe de sortir de l'ornière (et par là de redevenir bien juteuse) réside dans la baisse globale du niveau de vie européen. Ce que l'on pourrait résumer par "En vivant moins bien, on est contraint de travailler davantage."

Le social et la démocratie en rade

Cerise sur le gâteau : au passage on achève la sociale-démocratie. Les mesures les plus régressives en matière sociale à l'heure actuelle sont prises par les quelques rares socio-démocrates au pouvoir en Europe : Grèce, Portugal, Espagne, Royaume Uni ont reculé l'âge de la retraite, diminué certains minimas sociaux, amputé le salaire des fonctionnaires, augmenté leur TVA, et j'en passe. Le discrédit de la gauche (la sociale démocratie qui jusqu'à présent est la seule qui soit parvenue aux affaires en Europe )est ainsi total et irréversible. Elle ouvre le champ à une radicalisation politique.

L'aveu

Raffarin déclarait il y a peu : "“Dans une politique nationale, vous avez deux juges. Vous avez le peuple, mais aussi l’opinion publique internationale qui regarde si votre politique est crédible ou pas. Qu’est ce qui se passe en Grèce ? L’opinion publique mondiale a fait en sorte que la politique Grecque n’était pas crédible (lapsus?) Elle n’a pas cru à cette politique et aujourd’hui la Grèce, très endettée, à des taux d’intérêt de 8%." Qu'entend Jean-Pierre par opinion publique internationale ? Il entend par là caste mondialisée de requins de la finance socialement reproductible et pleine aux as qui impose ses vues et spécule partout et sur tout. Ce que notre ex premier ministre nous a dit c'est qu'il fallait bien comprendre que la souveraineté populaire n'existe plus et que les politiques ne sont que les relais communicants des autorités financières auprès des gueux.

Opération reconquête

Pour effacer leurs pertes sur le marché actions, les marchés ont joué sur les matières premières (2007), les produits agricoles (2008), l'or (2009) sur les obligations d'Etat (2010). Cette année, ils parient que vous ne serez pas capables de payer la dette de votre pays et dans le même temps les gouvernants vous expliquent qu'il va falloir la payer. C'est aux populations (qui d'autre ?) de réagir en œuvrant collectivement en faveur d'une interdiction de spéculer sur les marchés obligataires d'Etat. Il est proprement délirant que ce soient des agences de notation privées ( 3 en tout et toutes anglo saxonnes d'ailleurs) qui soient seules en mesure d'évaluer ce qu'un pays est capable de supporter comme dette ! Il faut des agences transnationales de notation, c'est la moindre des choses.
Ensuite il faudra envisager la "démondialisation" pour retrouver un semblant d'équilibre. Un peu de patience, on y viendra.




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