mercredi 29 septembre 2010

Les masques de l’identité tomberont-ils ?

La scène se déroule au comptoir d’une brasserie parisienne plutôt chic. Les deux hommes se connaissent depuis peu et parlent pour la première fois de politique.

Mr Etilage : « Je pense que ce qu’il faudrait c’est une société dans laquelle les Français puissent être solidaires. Un pays dans lequel l’impôt par exemple redistribuerait les richesses. »

Mr Etisrevid : « Ah ! Vous me faîtes rire ! Parce que vous pensez encore que la France était peuplée de Français ? Mais enfin voyons, d’abord il y a des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux. »

Mr Etilage : « Que voulez-vous dire ? L’essentiel n’est-il pas qu’ils sont Français, qu’ils appartiennent tous à une même nation qui croit en une destinée collective. »

Mr Etisrevid : « Vous raisonnez avec des schémas trop simplistes peut-être valables pour le siècle passé. La réalité contemporaine est toute autre. Regardez, les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes besoins tout comme les jeunes et les vieux. »

Mr Etilage : « Admettons mais cela empêche-t-il une solidarité plus grande entre eux ? »

Mr Etisrevid : « En théorie non. Mais le problème n’est pas là. Le drame aujourd’hui c’est que les femmes gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes. Que les femmes membres de conseils d’administration des grandes entreprises sont très rares. En politique, malgré les quotas, qu’il faudrait renforcer, trop peu de femmes sont élues. »

Mr Etilage : « Oui, sans doute mais ce type d’inégalité ne concerne pas que les femmes... »

Mr Etisrevid : « Justement, comme je vous le disais il faut tenir compte de la diversité. Aujourd’hui en France on trouve des personnes issues de l’immigration, des personnes de couleur, des gays, des handicapés, des religions différentes. Ce qui importe c’est instaurer une égalité réelle entre ces catégories. Il faut cesser avec les discriminations ! »

Mr Etilage : « Vous dîtes cela et en même temps vous soutenez la politique sécuritaire et migratoire du gouvernement ! Vous voilà en franche contradiction ! »

Mr Etisrevid : « Vous plaisantez j’espère. Regardez, les églises de toutes les confessions n’ont jamais été si écoutées. Regardez le Crif, le Conseil du culte musulman, l’Eglise de France, le président est allé rencontrer le pape aussi. »

Mr Etilage : « Oui enfin sur l’affaire des Roms, on pourrait quand même dire que cette politique est raciste. Les journaux européens considèrent d’ailleurs que le président français est d’extrême droite. »

Mr Etisrevid : « C’est qu’ils n’ont rien compris. Citez-moi un gouvernement qui a autant œuvré en faveur de la diversité ? Pour l’accès aux grandes écoles par exemple. Pour accueillir comme les autres les handicapés dans les classes d’école, pour que les entreprises respectent leur quota de salariés ayant un handicap. Le gouvernement compte plusieurs ministres issus des minorités visibles. Vous voyez bien, nous mettons en œuvre l’égalité des chances quels que soient l’orientation sexuelle, le sexe, la couleur de peau, l’appartenance religieuse, l’origine géographique de la résidence. Nous avons même exploré la piste du CV anonyme pour éviter une discrimination à l’embauche sur la base du patronyme. Je ne devrais pas le dire ainsi mais certains préfets ont été promus sans doute en raison de leur confession religieuse... »

Mr Etilage : « En effet, mais cela marche-t-il ? »

Mr Etisrevid : « Nous avons encore des progrès à effectuer. Il faut du temps vous savez pour que les esprits s’adaptent. L’important c’est que la législation s’empare de ces thématiques et condamne effectivement les entorses. »

Mr Etilage : « Prenons un cas concret, disons que les noirs de France représentent 2 % de la population totale. Ce que vous trouvez de scandaleux, c’est qu’on ne retrouve pas 2 noirs si l’on prend la liste des 100 personnes les plus riches de France ? Ou que, parmi ces 100 personnes les plus riches, on ne trouvera pas 50 femmes mais certainement beaucoup moins ? »

Mr Etisrevid : « On ne pourra jamais arriver à une stricte égalité, statistique nous ne sommes pas favorables à « l’égalitarisme » mais oui c’est un peu cela que nous souhaitons réaliser. C’est une politique anti raciste, anti homophobe et anti xénophobe que nous menons. C’est un combat quotidien, une lutte de tous les instants. »

Mr Etilage : « Donc le président n’est pas raciste, ni homophobe ni xénophobe dont acte. Mais il y a encore quelque chose que je ne parviens pas à comprendre. Si les minorités étaient représentées à leur juste proportion dans les catégories aisées ou dans les postes de pouvoir, subsisterait-il une forme d’inégalité ? »

Mr Etisrevid : « Mon avis est que nous aurions là une société juste. »

Mr Etilage : « Même si certains devraient leur poste à leur identité plutôt qu’à leur mérite ? On vous met là parce que vous êtes une femme, plutôt que lui à diplôme équivalent ? »

Mr Etisrevid : « Il est vrai, qu’à la marge ce système produirait un peu d’injustice. Toutefois, comme nous pensons qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les races, le sexe, la religion, il n’y a pas de raison pour qu’une minorité soit lésée au final. »

Mr Etilage : « Donc parfois de l’injustice mais disparition des inégalités ? »

Mr Etisrevid : « C’est cela. »

Mr Etilage : « Pourtant, ne trouverait-on pas encore une majorité de pauvres et une minorité de riches ? »

Mr Etisrevid : « Vous me parlez d’inégalité sociale ? »

Mr Etilage : « Oui, ne faîtes pas l’innocent. Ce n’est pas parce que 2% des Français les plus riches sont noires que les inégalités disparaîtront ni même ne s’atténueront ! »

Mr Etisrevid : « Vous vous trompez de cible. Vous êtes un égalitariste, mais vous savez bien que cela est impossible. L’important c’est que la diversité de la France apparaisse au sommet de l’Etat comme aux postes de pouvoir économique. Que, je me répète, quelle que soit son origine on ait une chance équivalente d’arriver au sommet. »

Mr Etilage : « Non, l’important c’est que vous donnez ici une couche de vernis aux inégalités majeures de ce pays. Vous cherchez à donner l’illusion que ces inégalités sont justes parce qu’elles reproduisent fidèlement la diversité de la France. En agissant ainsi, vous masquez une autre réalité bien plus crues. La part des richesses détenue par les plus aisés ne cesse d’augmenter. Celle de la classe moyenne et des couches les plus modestes ne cesse de régresser. Les inégalités ne se sont jamais autant accrues que depuis que le « combat pour la diversité » a commencé. Comme c’est étrange ! En proclamant « que vous soyez arabe ou lesbienne, vous avez toutes vos chances » vous condamnez les racistes, les sexistes, les homophobes etc. Mais quand donc vous attaquerez vous aux riches quelle que soit d’ailleurs leur origine ? La diversité que vous brandissez si haut n’est qu’une muléta cachant la banderille qui transperce toute la société française, celle des inégalités de revenus et de patrimoine. Vous incitez le citoyen à mettre en avant ses différences, vous cherchez à atomiser le corps social, à briser les solidarités nationales et à favoriser le repli identitaire. La diversité voilà l’ennemi ! Je vous l’accorde volontiers, notre président n’est pas d’extrême droite, il n’a rien contre les noirs pourvu qu’ils soient riches, ni contre les homos mais à la même condition, et je pourrais continuer. Non, sa politique est simplement anti pauvres, ceux là même qui ne travaillent pas assez, ceux qui ont besoin de leur retraites pour leurs vieux jours ! Du coup sa politique est simplement, très traditionnellement, de droite, profondément conservatrice, habillée d’un discours paravent. On aurait tort de le stigmatiser notre président, il fait pareil que ses prédécesseurs. A vouloir le présenter comme hors norme on en oublie sa triste banalité... »

Mr Etisrevid : « Monsieur, votre combat n’est pas le nôtre, mais je vois que vous avez un problème avec l’argent. Voilà qui devrait faire l’affaire ! »

Il se lève et quitte la brasserie en jetant un billet de 20 euros pour les deux cafés consommés.

Idée originale tirée de l’excellent petit essai de Walter Benn Michaels « La diversité contre l’égalité » RAISON D’AGIR, 2009.

vendredi 24 septembre 2010

Des hommes ou des Dieux ?

“Des hommes et des dieux”. Le film est en passe de devenir un des succès majeurs de l’année. Et l’un des plus vus du cinéma français de la décennie. Pourtant, le classicisme de la mise en scène, le jeu parfois éculé et théâtral de certains comédiens semblent en retard d’une guerre. Un film pour les vieux assurément : rythme lent, longs plans de paysages, chants liturgiques à foison, parole plutôt rare, tous les ingrédients nécessaires à la sieste de papi semblent en effet réunis.

Oui tout cela est vrai et l’on pourrait même être plus féroce encore sans trop forcer. Pourtant, “des hommes et des dieux” caracole en tête des entrées, les salles sont encore pleines, et le film est en piste pour les Oscars. Comment expliquer ce succès ?

DES CATHOLIQUES EN MAL DE FOI ?

La première hypothèse est la plus simple. Le film attire les derniers cathos de France. Nos paroissiens en mal de pape charismatique se précipitent voir les “vrais moines” en leur demeure. Pour autant, le film n’est guère mystique car où est la transcendance ? Qu’apporte la foi aux moines si ce n’est un piètre réconfort hypothétique au moment de leur mort ? Non, il ne s’agit pas d’un film qui donne l’envie de croire. En revanche, et c’est ce qui plaît à nos spectateurs catholiques, le doute ressenti chez plusieurs frères peut s’articuler comme un discours pro domo : “Je prie mais je n’entends plus rien” dit l’un des membres de la communauté pour au final décider de braver la mort, rejetant ainsi ses hésitations. Tel autre affirme avoir la tentation de “revenir plombier en France” avant de reconnaître que sa vie est “ici” en Algérie.Un dernier affirme que “partir c’est mourir”.  Mais au final, tous restent dans le monastère au contact de ce dieu parfois trop lointain et aux voies (voix) décidément impénétrables. Le fidèle doute mais au final parvient à rester dans le droit chemin. Voilà le surhomme, l’imitateur du Christ :  il détient la vraie foi, il a cru la perdre mais c’est ainsi qu’il l’a pleinement retrouvée. Le héros catho moderne pourrait bien se nicher dans le monastère de Tibérine. Est-ce le brave Amédée qui parvient à se dérober en se planquant sous son lit ? Rien n’est moins sûr… Judas de la cause ?

EN QUETE DE SPIRITUEL ?

D’immenses penseurs, de Malraux à Sarko, avaient prédit que le “XXI° siècle sera religieux”. Sommes-nous en présence d’une manifestation de la prophétie ? Nos spectateurs avides se rendent-ils dans les salles obscures comme on se rend à Compostelle ? Le propos serait le suivant : nos concitoyens désorientés dans ce monde globalisé et complexe sont à la recherche de sens. Or, l’hyperconsommation et les flux continus d’informations et son corollaire le hic et nunc érigé en mode de vie, produisent une anxiété métaphysique. Devant cette angoisse, ils se rendent en masse dans  “l’usine à rêves que constitue l’industrie cinématographique” pour quitter un instant le monde et ses basses contingences. Le matérialisme n’a que trop vécu, bienvenue au spiritualisme ! Notre siècle désenchanté, sécularisé et désillusionné a besoin d’une renaissance…pourquoi pas celle de l’Eglise ? Aussi séduisante soit l’hypothèse le succès rencontré par “Des hommes et des dieux” n’est en rien consécutif d’un “retour du religieux”. La recette du succès est à chercher ailleurs.

UNE HISTOIRE VRAIE

Histoire romancée mais Histoire quand même. Cette malheureuse affaire de moines égorgés avait défrayé la chronique. Le mystère entourant leur exécution était resté entier : Les bourreaux étaient-ils islamistes ou bien l’armée algérienne avait-elle laissé faire ou commandité leur exécution? Le rôle de l’Etat français demeure lui aussi assez obscur. Une affaire mystérieuse donc, une cadre à la Agatha Christie, des religieux désarmés et obstinés face à des terroristes armés jusqu’aux dents. Mélange de réalité et de fiction, “des hommes et des dieux” dispose d’une dramaturgie exceptionnelle qui peut séduire les férus d’Histoire aussi bien que les amateurs de polars. La relative proximité temporelle avec les événements narrés stimule encore davantage la curiosité. Mais nous ne saurions nous abandonner à cette théorie : le cinéma n’a jamais produit autant de films “historiques” ou traité d’affaires mystérieuses. Ce choix est banal et ne saurait expliquer à lui seul que plus d’un million de français accourent.

SALAUDS D’ARABES ?

Etrange en revanche est l’absence de polémique suscité par le film. Souvent, la violence de la polémique permet à un film sans grande envergure de séduire les spectateurs. Rares sont les voix dissonantes dans le concert de louanges. Un film que tout le monde aime a-t-il un intérêt ? Si tout le monde aimait Koons ou Jeunet auraient-ils rencontré le succès ? Le film ne dérange pas…les critiques en tout cas. Mais j’aimerais ici me livrer à un propos plus acéré (et peut être de mauvaise foi-blasphème !).

Car que voit-on ? Des moines catholiques qui structurent la vie de la cité musulmane, une jeune femme future victime d’un mariage arrangé qui confesse ses inquiétudes auprès d’un frère qui lui répond pudiquement que “c’est un autre problème” (sous-entendu : “ta religion obscurantiste, je préfère ne pas l’évoquer”). On découvre un chef de communauté déguisé en Averroès, épris du Coran et qui fait la leçon aux barbares hirsutes et analphabètes. On trouve aussi des arabes perdus si “la branche sur laquelle ils se reposent” (le monastère) venait à disparaître. On assiste aussi à une jolie prière musulmane dont la traduction sous titrée cesse après que le récitant a prononcé quelque chose comme “donne nous la victoire sur les infidèles”… De ce point de vue le discours du film peut s’interpréter comme “enseigner les aspects positifs du néocolonialisme” ! Au final, les chrétiens pardonnent (bien sûr) et les musulmans tuent (évidemment). Sans les moines pas de médecine, pas de miel sur le marché,  bref plus de civilisation.

Quels contrepoids à ces épisodes pour le moins ambigus  ? Deux scènes essentiellement : le frère médecin qui s’endort avec “les lettres persanes” entre les mains. Qu’est-ce à dire ? Qu’il y eut une époque où notre civilisation occidentale pouvait tirer quelque parti de la musulmane ? Mais comme compréhension et interprétation des civilisations du Maghreb, on fait mieux ! Ou bien le frère médecin préfère-t-il les ragots de la presse locale aux arguties juridico-philosophiques de Montesquieu qui l’endorment ?

L’autre scène est plus franche mais en réalité tout aussi contestable. Il s’agit d’une des entrevues avec le haut fonctionnaire algérien du ministère de l’intérieur. Dans une périphrase ledit fonctionnaire dit quelque chose comme “je pense à l’inverse de vous (les moines présents dans son bureau) que c’est la colonisation française qui nous a retardé.” Les moines baissent la tête, l’air contrit. Derrière cette dénonciation apparente se cache un poncif des plus éculés : Le fonctionnaire algérien reconnaît que son pays est en retard, c’est donc que l’Algérie est un pays arriéré. Il ne s’agit pas de faire un procès d’intentions mais si le réalisateur avait vraiment voulu accréditer cette thèse, il l’aurait mis dans la bouche d’un autre que ce bureaucrate plus ou moins corrompu.

En d’autres termes : 1/ La présence européenne et chrétienne en Algérie est bénéfique aux Algériens. 2/ La civilisation arabe ne nous a rien apporté au moins depuis le XVIII° siècle 3/ Malgré notre apport, ils n’ont rien retenu et sont encore en retard 4/ Et cela ne les empêche pas de nous faire la leçon !

Les spectateurs sont-ils pour autant des zélés serviteurs d’E. Zemmour, d’E. Ciotti, de G. Bush ou de S. Huntington ? Mais le film, peut-être à son insu donne des arguments à ceux qui pensent que le dialogue entre civilisations est impossible. Dans sa neutralité bienveillante, le film attise les incompréhensions réciproques. Nul doute qu’il ne saurait être diffusé en Algérie. Que ce soit bien clair : le but d’un film n’est pas d’infirmer ou d’accréditer telle ou telle thèse, mais il lui faut un contextualisation plus solide. Quand on prétend traiter l’Histoire on effectue un travail d’historien. On ne se contente pas de mettre 4 phrases “d’explication” durant le générique de fin. Le partisan de l’Algérie française y trouvera donc son compte à l’instar du catho tradi.

L’ANTI BLING BLING ?

Et si le film devait son succès à son côté décalé ? Travail agricole et monde rural. Piété et contemplation. Simplicité et modestie. Dépouillement et parole mesurée. Refus du paraître et proximité de l’être. Tous ces couples fonctionnent à merveille pour qui souhaite un retour à “l’authenticité” aux “vraies valeurs”. Ces hommes capables de se réfugier intérieurement, de lire sans arrêt, de prier assidûment savent prendre leur temps. Leurs paroles sont rares et pondérées, loin bien loin de l’agitation permanente, du tourbillon médiatique. Ils incarnent un idéal devenu pratiquement inconcevable de nos jours. Leur environnement n’est pollué ni par des ordinateurs, ni par des publicités et si peu par les gaz d’échappement. Ils soignent sans médicaments. L’autonomie soixante-huitarde chez les moines de Tibérine ? C’est un peu ça. En cela, ils accèdent au statut des demi-dieux de l’Antiquité. Mortels mais situés dans un ailleurs inaccessible au commun des mortels, les moines vivent en Utopie. S’agit-il d’hommes ou de dieux ?

L’IMPOSSIBLE IMPASSE DU MONDE

“Humains trop humains” aurait sans doute répondu notre Friedrich. La déconstruction du mythe du paradis terrestre est peut-être la partie la plus convaincante du film. Il est, même pour des moines au firmament de leur spiritualité de faire l’impasse sur ce qui les environne. Tout au plus peuvent-ils faire semblant, comme dans cette scène ou l’hélicoptère de l’armée couvre leurs chants. L’irruption de l’extérieur, la violence soudaine, les enjeux géopolitiques qui ressurgissent en pleine figure. Il n’y a pas d’innocent et celui qui veut s’échapper de l’emprise du monde a néanmoins sa part de responsabilité car il “hérite” d’une époque, les moines ici sont assimilés par les islamistes à la colonisation, puisqu’ils la perpétuent quoique sous d’autres formes. Une fois morts, que reste-t-il de l’esprit qui les animait ? Rien, des bâtiments vides.  Au final, “des hommes et des dieux” nous dit que la “quête mystique” rapproche des dieux mais non les hommes.

 

Gauche radicale : comment se prémunir du risque totalitaire ?

 

Qu’est ce qui sépare la gauche modérée et la gauche radicale quand les deux sont d’accord pour parvenir au pouvoir par les urnes ? Le rythme annoncé des transformations à opérer et le degré de volonté pour  parvenir au bout du chemin. A priori pas de désaccord de fond. Mais la social démocratie a-t-elle vraiment quelque chose à voir avec la gauche dite radicale en matière de politique économique ? En tant que libéraux, les socio démocrates n’envisagent pas la reprise en main de l’économie par les élus. Tout au plus espèrent-ils accompagner le mouvement et l’adoucir quelque peu grâce à une miraculeuse pommade sociale. Mais aujourd’hui, ce discours ne tient plus…et ils en ont conscience.

Donner libre cours à l’économie globalisée, c’est à dire laisser le marché libre en le prémunissant de toute intervention des Etats, revient à imposer des contraintes aux seconds et à garantir l’immunité à la première. Contraintes budgétaires et mise en œuvre de politique dites de rigueur constituent le nec plus  ultra de la doxa de l’école de Chicago. Grâce à la crise, il est devenu de notoriété publique que les pouvoirs politiques sont à la botte des financiers et autres agences de notation. Le mécanisme est désormais à nu. Du coup, le grand perdant idéologique de cette crise n’est autre que le néolibéralisme tant il est devenu évident que l’on ne peut pas laisser la finance internationale s’amuser dans son coin hors de tout contrôle. Le débat n’est plus de savoir si l’Etat doit se mêler d’économie mais à quel degré et à quelles conditions il doit le faire. Et cela même les socio démocrates le reconnaissent aujourd’hui. Autre chose est de savoir à quel rythme et s’ils en ont vraiment la volonté. De cela la gauche radicale ne manque pas, on lui reprocherait d’ailleurs plutôt l’inverse.

J’appartiens à ce courant de pensée qui estime que le pouvoir politique doit reprendre la main sur le pouvoir économique, le premier étant détenu en dernier ressort par l’ensemble des citoyens. Souhaiter ce reversement n’est pas suffisant pour dire qu’il s’agit là d’une pensée d' extrême gauche.D’ailleurs, d’autres, bien plus modérés, le disent, certains osent même esquisser des politiques dans ce sens. Mais tout est affaire de dosage. Jusqu’à quel point l’Etat doit-il intervenir dans la vie économique ? Et comment fixer des limites à son intervention ?

Les partisans d’une intervention puissante du pouvoir politique sur la vie économique  demeurent confrontés et comme tétanisés par cette double question. Et c’est bien là leur difficulté politique majeure. Nombre de personnes adhèrent de prime abord aux thèses défendues par des hommes comme Jean-Luc Mélenchon. Mais très peu osent franchir le pas. De quoi arguent-ils pour justifier leur “non passage” à l’acte ?

Les arguments conjoncturels ne manquent pas : de la crainte d’une dispersion des voix à gauche, le souvenir de 2002 etc. Mais, cela n’est qu’écume, car au fond ce qui pose problème relève en fait de la dialectique du “je” et du “nous”. Pour faire simple, oui à la solidarité mais quid de ma liberté ? Résorber les inégalités, bien sûr, mais faut-il payer davantage d’impôts ? Et après tout, si je parviens à m’enrichir, je ne le dois qu’à mon mérite personnel. Alors pourquoi partager mon dû ?

L’idéal de la gauche radicale ne pose pas de difficultés préalables pour tout humaniste, en revanche, beaucoup craignent l’après. Une fois au pouvoir, cette gauche ne risque-t-elle pas de mettre en œuvre une politique qui, in fine,réduira certaines libertés, celle d’entreprendre, de spéculer, d’obtenir des abattements fiscaux, ou même celle de m’exprimer ou de pratiquer ma religion ? Ces mêmes personnes qui ont aussi quelques notions d’histoire nous rappelleraient l’URSS, la Chine, Cuba ou le Venezuela. “Est-cela que vous nous promettez ? L’absence de démocratie, les libertés confisquées, la mise au banc de la communauté internationale ? Continuez à rêver de ce monde plus juste, mais je vous en prie, ne faîtes rien pour y parvenir.” Voilà le refrain entonné. L’Histoire, il est vrai, plaide contre la gauche radicale. Et donner des gages de bonne foi ne changera rien à la donne. Alors que faire ? Comment convaincre au delà des acquis à la cause ? Comment rassurer le modéré, comment lui démontrer que nous ne souhaitons pas faire de la France une Corée du Nord ?

Il faudrait commencer par lui rappeler que tenir un discours modéré de nos jours, c’est accepter que l’inacceptable se perpétue. Il faudrait surtout lui parler des garde fous démocratiques que tout gouvernement ancré à gauche se doit de mettre en place. Ne le nions pas, les projets égalitaristes ont souvent sabordé les libertés. C’est conscients de cette histoire qu’il nous faudra gouverner, c’est en la critiquant que nous pourrons convaincre. Au placard Che Guevara et Zapata ! Regardons plutôt Morales et Lula qui, au quotidien, parviennent à lutter avec succès contre les injonctions de la finance internationale. Nous ne cherchons pas à ce qu’il n’y ait plus de riches mais seulement moins de pauvres.

Oh bien sûr, je vois déjà les sourires en coin se profiler : “Quel grand naïf, comment être aussi niais.” A ceux-là je répondrai que l’Histoire n’enseigne qu’une chose : les inégalités sociales ne peuvent s’accroître indéfiniment sans provoquer de cataclysme. Si l’on ne soigne pas le mal, d’autres le guériront avec des remèdes autrement dévastateurs. Une société en voie de paupérisation comme l’est la nôtre doit savoir qu’elle est en danger. Prôner le laisser-faire c’est accélérer sa fin.

jeudi 16 septembre 2010

Tous les chemins mènent aux Roms

Cette histoire devient à proprement parler “insupportable”, chacun y va de ses mensonges, de ses approximations, de sa mauvaise foi. Le problème est d’une grande complexité mais tout le monde a son avis. Surtout, la façon dont les échanges se déroulent démontre la piètre qualité du débat démocratique dans notre pays.

Premier responsable : le gouvernement

- Pour avoir orchestré sciemment ce nouveau délire sécuritaire depuis le début de l’été

- Pour avoir crée un “problème rom” dans un but électoraliste

- Pour avoir émis des circulaires visant explicitement une partie de la population non pour les actes qu’elle a pu commettre mais sur une base ethnique

- Pour avoir donné l’ordre aux policiers de séparer les familles

- Pour ne pas avoir rappelé que ces “expulsions-reconductions” sont assorties d’une petite prime pour le migrant

- Pour avoir cherché délibérément le conflit avec les autorités mondiales qu’il s’agisse des Etats d’Europe ou d’ailleurs, de l’Eglise, de l’UE afin de se refaire une virginité sur la scène nationale quitte à maltraiter l’image de la France dans le monde.

Deuxième responsable : les associations de gauche droit de l’hommistes.

- Pour avoir une fois de plus entonné la ritournelle du “les pauvres, ce sont des victimes, on les punit une deuxième fois”. RESF, SOS racisme, le GISTI et la LDH sur le banc des accusés. Votre angélisme dessert votre cause, il est temps de s’en rendre compte.

-Pour avoir laissé entendre qu’une comparaison avec Vichy était possible. Il serait aussi temps de prendre conscience que l’invective et les comparaisons douteuses comme les coup d’éclat ne servent à rien. On avait déjà eu droit aux “rafles” à la sortie des écoles. En procédant à de tels amalgames vous vous caricaturez vous mêmes. Utilisez plutôt le droit européen, il semble que cela soit plus efficace.

Troisième responsable : le PS

- Pour ne pas avoir répété et martelé qu’il ne s’agit là que d’un nouvel écran de fumée visant à masquer la gabegie du gouvernement. Dire qu’il ne s’agissait pas seulement d’une opération électoraliste mais aussi d’obtenir du temps d’antenne. Pendant ce temps on ne parle pas du chômage, des retraites, du pouvoir d’achat, des affaires de Karachi, de la saignée dans les services publics, de la dette et j’en passe.

 

Dernier responsable : la commission de Bruxelles

- Pour avoir joué au gardien du temple des “droits de l’homme” alors qu’elle met en œuvre au quotidien le nivellement par le bas des salariés européens, qu’elle rabote les acquis sociaux. Elle exacerbe la concurrence entre Etats membres et n’harmonise que ce qui ne dérange pas les intérêts financiers. La commission n’est pas la cour de justice européenne…

-Pour chercher à se donner une caution humaniste alors qu’il ne s’agit là que de quelques technocrates scrupuleux vexés de se voir snobés par la président français.

 

Ce sur quoi l’on aurait pu débattre en revanche, c’est sur ce droit à la libre circulation des personnes dans l’UE. Mais là chut, il ne faudrait pas qu’un grain de sable de vienne s’immiscer dans la mécanique bien huilée de l’Union : car remettre en cause cette libre circulation des personnes venues de l’Est de l’Europe empêcherait d’accroître la pression qui s’exerce sur les salaires à l’Ouest. Comme çà les petits roms et les  autres pourront continuer à servir les intérêts des grandes mafias, ou vendanger nos coteaux pour trois figues et deux raisins, ou encore construire nos immeubles, laver nos assiettes dans les arrières cuisines de nos restaurants.

Nos esclaves actuels, quasi invisibles, ont le tort de sentir fort, de vivre en roulotte et de voler. C’est d’ailleurs le cas aussi pour nos esclaves africains. Mais eux préfèrent les squats dans les caves d’immeubles. Ils incommodent moins la vue. Et puis comme ils ne sont pas d’origine européenne, impossible pour le premier rom de France d’obtenir un clash avec Bruxelles. Et pour faire plaisir aux souverainistes de tout poil quoi de plus excitant qu’une bonne grosse dispute avec Barosso ?

Dans sa boule de cristal, la gitane en partance pour Bucarest m’a dit : Il va remonter dans les sondages. Avoir pour ennemi, l’UE, la presse, les gitans et les associations bien pensante, c’est frotter l’électorat bobof dans le sens du poil et hérisser le bobo. Electoralement c’est très rentable. Parfait je fonce… Au pire Carla boudera un jour ou deux…

vendredi 10 septembre 2010

L’insupportable Hervé Morin

Pas question d’y consacrer un article entier, un billet suffira bien. Hervé Morin c’est notre actuel ministre de la défense, c’est aussi le président…et oui !…du “Nouveau Centre”.

Pour ceux qui l’ignorent, ce parti confidentiel est né durant l’année 2007, durant la campagne présidentielle. Il s’est constitué autour de déçus du “bayrouisme”, qui estimaient que leur candidat était trop marqué “à gauche” ou en tout cas fortement “antisar…”. En réalité, ces gens là avaient surtout en ligne de mire les législatives qui suivaient de quelques semaines le deuxième tour des présidentielles. Pour ne pas perdre leur fauteuil de députés, ils n’avaient d’autre choix que de s’assurer que l’UMP ne présenterait pas de candidat et les soutiendrait dans leurs circonscription. Résultat : 21 députés, juste de quoi avoir un groupe à l’assemblée. C’est pas merveilleux ça ? Pour bons et loyaux services rendus à sa Majesté, Hervé Morin se vit attribuer le ministère de la Défense où son bilan est aussi discret que celui de ses prédécesseurs. Gérer la Grande Muette, c’est prestigieux mais ça fait peu parler !

Depuis le début de l’été, Hervé Morin se prête à rêver d’une campagne présidentielle. L’état de déconfiture de l’UMP crée de l’espace à droite se dit-il. J’ai un coup à jouer. Etre élu ? Il n’y songe pas…en revanche il espère être le ramasse voix de l’actuel hôte de l’Elysée en vue du second tour. Et pourquoi pas Matignon à l’issue si la victoire de son maître se confirme ?

Les 500 signatures, heureusement ce n’est pas un problème : les petits élus de droite ont bien compris que j’étais là pour capter un électorat de droite modérée un peu déboussolé par les agitations de mon maître. Ensuite, entre les deux tours, je ramènerai mes brebis égarées au bercail. Je leur dirai quelque chose du genre “Face au péril socialo-bolchévique, il est de mon devoir de vous exhorter à donner vos voix au candidat qui porte les valeurs qui nous unissent : l’ordre, la sécurité, la stabilité". Mes brebis redeviendront alors moutons.

La voie est étroite pour le laborieux Hervé. D’abord, il ne faut pas rompre l’allégeance actuelle au maître. Impossible, il serait alors un traître. De démission, il ne saurait être question. Pourtant il faut bien faire parler de soi. Je laisse circuler de “pseudo rumeurs” sur ma candidature, mais la presse n’est pas pressée de relayer. J’accorde des interviews à la chaîne, mes les lecteurs ne les lisent pas. Je fais alors des déclarations sur mes états d’âme sur la politique d’expulsion des roms, mais dans le tintamarre qui s’en soucie ? Misère, mais que faire pour être remarqué ? Je lâche une bombe, le truc qui tue, je promets la fin du bouclier fiscal. Oulala ! Ca va remuer dans les chaumières ce soir ! A bout de ressource, Hervé ne perd pas encore le Nord, car le bouclier fiscal, pour des hommes de droite comme lui et bien, c’est déjà fini. Oui car vu le projet des retraites, les bénéficiaires du bouclier participeront quand même à l’effort national. Médiatiquement donc, l’annonce a quelques chances d’être reprise, concrètement ce qu’il dit n’engage à rien.

Quel courage, quelle audace. Décidément cet homme est un génie ignoré, pénétré par des considérations de haute volée. Plus sérieusement, comment espérer que les citoyens se réapproprient la chose publique avec des gars qui font de la politique comme lui ? Il est le degré zéro de la politique, jamais d’idées ou de convictions mais un parcours…et avec de la chance, il peut tenir son pari.

mercredi 8 septembre 2010

La gouvernance : une escroquerie intellectuelle

Vous l’avez sans doute remarqué, depuis une dizaine d’années environ, nous assistons à un emploi toujours plus fréquent du terme “gouvernance”. Or,nous ne le savons que trop bien, les mots ne sont jamais innocents,en particulier ceux sortis de la bouche des dirigeants. Remarquons d’ailleurs que ce terme n’est pour ainsi dire jamais employé par ceux “d’en bas”, qui lui préfèrent le désuet et dépassé “"gouvernement”. D’autres en revanche s’en gargarisent jusqu’à plus soif : hauts fonctionnaires nationaux ou européens, éminents membres du FMI de l’OMC de la banque mondiale ou de la BCE. Dès l’origine il convenait comme un gant aux grands patrons, et il  séduit toujours plus les politiques, en particulier ceux qui prétendent …gouverner, c’est-à-dire accéder au pouvoir.

En l’espèce, nous n’avons pas à faire uniquement au phénomène bien connu de la féminisation à outrance de la langue française grâce à laquelle nous pouvons écrire sans crainte que l’auteur de ces lignes n’est pas une auteure sans que le correcteur ne surligne ce mot en rouge ! Non, dans le cas de la gouvernance nous avons à faire à une distorsion de la langue plus symptomatique des errements politiques de nos “vieilles'” démocraties.

Alors de quoi s’agit-il ? Vous vous en doutez, ce terme a d’abord été utilisé dans le monde de l’entreprise, de l’entreprise privée est-il besoin de le préciser ? Il se rapprochait alors de la classique “gestion”. Une bonne gouvernance d’entreprise c’était une solide répartition des tâches, l’absence ou l’éradication des “échelons superflus”, un personnel qualifié et volontaire, une gestion saine des comptes, se pencher sur la recherche développement, s’assurer une solide implantation territoriale et bien sûr accroître les profits. C’est au tournant des années 70-80 que le terme se popularisa dans les cénacles entrepreneuriaux au moment de la révolution néolibérale thatchérienne et surtout reaganienne.

Les patrons n’étaient plus simplement des PDG, ils devenaient des gouverneurs (titre au demeurant donné à l’ensemble des dirigeants des banques centrales). C’était reconnaître que leur “champ de compétences” s’était considérablement accru. Il est vrai que leur puissance pouvait égaler voire surpasser celle de nombre de gouvernements. Ernest Antoine Seillière ne disait-il pas que les patrons “n’étaient pas comme les politiques soumis à la pression de la rue” pointant par là la faiblesse inhérente au pouvoir politique d’une part et  l’immunité des grands patrons d’autre part.  Les grandes entreprises se muèrent en multinationales, implantées sur tous les continents. Ces gigantesques pieuvres, créèrent des flux de toutes sortes entre leurs multiples tentacules. Le commerce international explosa en volume  comme en valeur, profitant dès les années 90 de l’ouverture au marché de la moitié de la planète jusqu’alors communiste.Le monde se mit à parler anglais.

Quoi de plus banal dans ce contexte que le terme de gouvernance qui était inusité en France depuis la fin de l’Ancien Régime se réintroduise par le biais de l’anglais “governance” ? Miracle des miracles le vieux français se mariait merveilleusement à la langue du commerce international !

De colloques en cocktails, de cours d’anglais commercial en stages formation pour jeune cadre, de G7 (à l’époque) en conseils des ministres, “gouvernance” s’introduisit sans difficulté dans l’attirail langagier des puissants devenus avant tout des communicants.Une fois la mutation linguistique accomplie, il suffisait de la déverser continuellement sur le pékin de base pour qu’il l’accepte sans y avoir consenti. Pour accélérer le processus, la “gouvernance” montra le bout de son nez dans la refonte des programme d’Histoire-Géographie au printemps 2010. Quel succès ! et quel volontarisme !

Que cache la gouvernance ? Pour les partisans de cette dernière, poser cette question est insensé. En effet, la gouvernance, c’est la pratique tempérée du pouvoir, ce n’est pas pour rien si elle rime avec transparence… Car ne nous y trompons pas, la gouvernance est un mode de gouvernement.300px-Ambrogio_lorenzetti,_affetti_del_cattivo_governo_3,_siena,_palazzo_pubblico,_1337-1340

Il ne serait pas venu à l’esprit de Lorenzetti de peindre les effets de la bonne et de la mauvaise gouvernance. De même aucun historien actuel n’a songé à parler de  “gouvernance soviétique”. On utilisera les termes de pouvoir voire le traditionnel gouvernement. Aucun institutionnel n’osera évoquer une gouvernance nord-coréenne. Ainsi donc, il y a des pays qui bien qu’ayant un gouvernement, restent dépourvus de gouvernance. Vous pouvez chercher, vous ne trouverez pas de gouvernance iranienne ou cubaine. Voici me semble-t-il la preuve que  “gouvernance” doit aussi être compris comme un objet politique :  L’art de bien gouverner. D’ailleurs, un gouvernement peut s’égarer, commettre des erreurs, être mal jugé…la gouvernance non. La gouvernance est bonne en soi puisqu’elle n’est utilisée que pour décrire de “bons régimes démocratiques” ou leurs institutions parallèles. Démocratie et gouvernance sont devenus complémentaire ou au moins indissociables.

Donc, ce terme choisi et connoté si positivement, à qui sied-il ? Quels pouvoirs se voit-ils ainsi honorés d’être affublés du qualificatif de gouvernance ? Il y a d’abord la “gouvernance mondiale”. On entend par là a priori l’ONU (même si on préfère souvent la “communauté internationale” pour cette institution). En réalité, il s’agit plutôt des institutions internationales type FMI, OMC, banque mondiale, FED, BCE etc. Autrement dit les instances internationales en charge d’organiser l’économie mondiale. Où l’on voit la gouvernance mondiale entre les mains des financiers.

Mais, en Europe, notre gouvernance préférée, c’est bien sûr celle de l’UE ! Ah la gouvernance européenne, cette façon de faire si merveilleuse qui passe par le consensus entre gauche et droite, cet art d’être sage et pondéré. Ces gens là, si invisibles, si transparents font des miracles de directives. Leur pouvoir est si diffus qu’il enveloppe tout. Car la gouvernance messieurs dames, est girondine dans ses contours. Fédéraliste dans l’âme et niant l’échelon national, la gouvernance européenne encourage l’essor de gouvernances régionales transnationales.

Mais à y regarder de plus près, il est une autre gouvernance qui gagne du terrain, insensiblement. Celle d’Internet. Car voyez-vous ce que l’on ne peut régenter, ce que l’on ne peut gouverner, nous y appliquons notre bienveillante gouvernance. Autrement dit, la gouvernance serait plus souple que le rigide gouvernement.

Qu’il s’agisse de la gouvernance mondiale, européenne ou celle du Net, ces gouvernances ont en commun d’exercer un pouvoir flou et éthéré. On peut difficilement y mettre des visages. Ils ont surtout en commun d’exercer leur pouvoir d’une façon totalement a-démocratique. Alors même que le terme de gouvernance ne peut qualifier que des régimes démocratiques, il ne désigne en réalité que des instances décisionnelles hors de tout contrôle démocratique !

Les gouvernances n’aiment pas les éclats, elles savent être discrètes. La gouvernance perdure également, elle semble comme suspendue, sans prise avec les événements, insensibles aux secousses. D’ailleurs personne ne sait dater la gouvernance. Quand est elle née ? Existe-t-elle vraiment ?

Elle semble en tout cas en âge de procréer puisqu’elle a une petite fille : la Régulation. Ah non ! Vous ne l’aimez pas celle-là ? N’ayez crainte vous apprendrez à l’aimer. Pour l’instant, maman ne lui a donné que le capitalisme mondial à gérer. Elle n’a pas encore gangréné toute la sphère politique, mais ça viendra. Alors tels la larve devenant papillon, dans un grand bond en avant, nous abandonnerons nos gouvernements (forcément rigides) réglementant à tout va pour nous projeter vers la Lumière de la “gouvernance régulatrice”. Bonne chance !

 

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