dimanche 24 mai 2009

Une bonne tête de Turc, enfin !


Alors comme çà, on y est. Nous sommes entrés dans la phase "active" de la campagne pour les Européennes. Quoi de plus normal puisque notre grand manitou l'a décidé. Les médias au garde à vous ont répondu présent, en relayant les folles embrassades entre Angela et Nicolas, qui, sachez le braves gens, sont "d'accord sur tout". Oh que c'est beau, comme une relance un peu. D'ailleurs ne s'agit-il pas de la "relance du couple franco allemand" ? Mais oui puisqu'on vous le dit ! Oubliées les révérences outre Manche, oubliée l'Union pour la Méditerranée, oubliés les regards en chien de faïence, ....Oubliez, chers fidèles. D'ailleurs du passé, faisons tabula rasa. Après deux ans de présidence, les grands industriels détenteurs des organes de communication ( se dit média en démocratie) ont eu droit à leur bouclier ; lesdits organes ont été largement renfloués et l'audiovisuel public savamment repris en main : Tout ce petit monde est unanime : après deux ans de présidence "IM-PO-SS-IB-LE de tirer un bilan" Quand je pense quon dit de cet homme qu'il est "courageux" ...(Sur la notion de courage aujourd'hui j'ai lu un excellent dossier dans Philosophie magazine). Etre contraint de filer du pognon à ses proches pour éviter qu'ils puissent émettre le soupçon d'une critique à son encontre. A vomir.
Bref, donc pas de bilan, pas de retour sur le parcours tumultueux de la France sur la scène européenne, non pas ça, un nouveau sujet siouplaît : la Turquie !

Cela faisait longtemps qu'en dîtes vous ? La dernière fois, voyons, c'était quand ? Non, non, siouplait ne remuez pas le passé...répond le choeur. Si ! la dernière fois c'était en 2007. Régulièrement, le sujet revient sur le tapis, lors des grandes occasions électorales. Quoi de plus porteur que la Turquie et l'UE, c'est simple, les gens comprennent, c'est concret ça, ça leur parle. Mouais, c'est bien la Turquie. Pas grand chose à dire de neuf mais bon c'est la même fonction que "le détail de l'Histoire" mais en plus classe. On l'utilise quand il faut faire parler de nous, montrer qu'on en a nous des couilles.

Alors voilà comment on fait : D'abord je vais faire un petit discours pour soulager un peu la baronne d'Ati qui patauge dans la boue de la PAC ces derniers temps. Et là je dis "L'Europe n'a pas à s'excuser d'avoir été chrétienne". Je compte sur mes plus fidèles serviteurs laïcards et gauchistes repentis (tel Val) pour s'interroger doctement "Est ce que l'Europe est vraiment chrétienne, l'apport des Lumières et patati et patata, débattant sans fin, ce qui, au final, revient à parler de moi, de moi et de moi tout en validant, par la tenue de débats sans fin, ma théorie. Mais moi, j'ai pas le temps, la deuxième partie du plan doit se dérouler une semaine après quand je me rends chez Angela. Là on va sceller devant les caméras (surtout françaises d'ailleurs) notre réconciliation. Béats vous en resterez quand vous nous entendrez d'une même voix déclarer "Oui nous sommes d'accord sur tout" et "Non,nous ne voulons pas de la Turquie dans l'UE" et pour faire bonne mesure "Nous sommes conjointement très heureux de la présence d'un bataillon allemand sur le sol français". C'est merveilleux ce que l'usine à fantasmes peut produire. Des soldats allemands en France, c'est pas une réussite ça ? Hein Hein ?? ( A ce propos, la mairie d'Aix en Provence a cru bon de pavoiser ce dernier 8 mai, quoi de plus normal et commun me direz vous. Oui sauf qu'un drapeau sur deux n'était pas tricolore, mais ressemblait à une bannière étoilée sans rayures horizontales. Le 8 mai, c'est la capitulation de l 'Allemagne nazie pas la journée de l'Europe..."Mais qu'importe" répondit alors le chœur)
Et donc, cher lecteur, que croyez vous qu'il arriva après cette apothéose médiatico-diplomatique ? Le lourd et pesant silence de l'opposition, gênée de ne pas savoir, de tergiverser quant au degré d'appartenance de la Turquie à l'Europe.

Grâce à la nullité de ces adversaires, l'énergumène en chef est parvenu 1/ A faire parler de lui ce qui est le fond de sa stratégie 2/ A réduire l'opposition au silence 3/ A mobiliser son électorat, 4/ A porter les regards ailleurs, détournant l'actualité de la crise économique et son demi mandat. Un coup de maître.

Voilà pour la surface des choses, maintenant essayons de réécrire et de faire un palimpseste de tout ça.

Reprenons, "L'Europe n'a pas à s'excuser d'avoir été chrétienne" (je cite de mémoire). Pourquoi cette déclaration ? le problème n'est pas avec la Turquie mais avec les Etats-Unis, lors de sa visite dans le cadre du G20 et du sommet de l'Otan, Obama a demandé à ce que la Turquie entre dans l'Europe. La Turquie, membre de l'Otan rappelons le. Dans le cadre du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan, nôt ptit père, est un peu embarassé. Comment lui refuser ?
Bon et puis il y a les sondages sur la perceptins de l'UE par les Français. Or, ce qui est largement reproché à l'Union est son élargissement continu. C'est à dire l'intégration de l'Europe centrale et orientale (les fameux dix suivis de la Bulgarie et de la Roumanie). Pourquoi ce reproche revient-il si souvent 1/ On ne nous a rien demandé 2/ Ces pays dans le cadre de l'UE profitent du bas coût de leur main d'oeuvre -accusation (justifiée dans de larges proportions) d'être responsables des délocalisations-.
Ce n'est pas vraiment des élargissements à venir dont le rejet provient, mais des derniers réalisés. De cela, l'autre s'en fout "vous savez l'Histoire, allons plutôt de l'avant" ..."rassurons plutôt nos brebis égarées dans la jungle du monde mondialisé" Et quoi de mieux pour les rassembler que la peur du loup!! Mais tout de suite on assure que "Non ! le loup n'entrera pas dans la bergerie"...entretemps, le dernier élargissement est passé à la trappe.

Mais bien sûr, il ne suffit pas de sauter sur son siège et de dire "la Turquie, la Turquie, la Turquie" et attendre des retombées médiatiques. Ce qui gêne notre Seigneur et ses serfs, ce n'est pas la Turquie mais l'Islam. Tout le monde le sait mais personne ne le dit. Alors, son Altesse va le dire mais en deux temps (parce que lui, il en a !!):
1/ L'Europe n'a pas à s'excuser d'être chrétienne
2/ Une semaine après "Non, la Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'UE"
Résultat : La Turquie n'entrera pas dans l'UE tant qu'elle sera musulmane. Voilà l'électeur lambda rassuré, pas de basané en plus. Sarko, il l'a dit. Le citoyen oubliera que son Europe chrétienne l'a foutu au chomdu.

Le christianisme européen est une donnée historique. Contestable aux périphéries du continent (Bosniaques, Albanais). Surtout le christianisme n'a depuis le XI° siècle jamais été unificateur de l'Europe, mais plutôt pomme de discorde. Ah, oui, les guerres de religion, c'est vrai, c'était entre chrétiens..et pourtant à cette époque, les affreux Turcs musulmans étaient aux portes de Vienne et pis, François 1er avait noué quelques alliances avec la Sublime Porte, pour contourner la puissance espagnole. Le christianisme européen alors certes est une réalité, mais de moins en moins prégnante. Pour deux raisons essentielles : 1 les minorités musulmanes sont de plus en plus importantes sur le sol européen (tout comme dans une moindre mesure d'autres confessions) 2 De moins en moins d'Européens se revendiquent "chrétiens". Il faudrait alors dire que l'Europe actuelle a hérité, pour une large part, d'une culture à dominante chrétienne (mais aussi grecque, latine, arabe...). Quant à s'excuser d'être chrétien, qui l'a demandé à l'Europe?? Personne, absolument personne. C'est même absurde.
Le propos tenu par notre Chah n'avait donc pas lieu d'être, n'avait aucun fondement. Seulement voilà, il faut masquer l'absence de programme européen du parti présidentiel. Quoi de mieux qu'un contre feux ?

La rencontre avec la grosse Bertha a tout d'un extraordinaire conte de fées. Seulement pour nos deux amis, plutôt que de trop surligner le "cas turc" et pour ne pas trop froisser Ankara, il a fallu insister sur une nécessaire pause dans le processus d'élargissement pour satisfaire l'ENSEMBLE de l'opinion publique qui, si elle n'est pas antiturque (comme les pro UE de droite), est de toute façon anti élargissement (Opinion de gauche eurosceptique) pour des raisons toutes autres évoquées plus haut. Coup double ? Non, énorme mensonge. L'élargissement se poursuit, l'entrée de la Croatie est presque déjà acté. En plus la nouvelle tombait mal car le jour même, l'Islande se portait officiellement candidate. Résultat ? Dans 3 ans environ nous serons au moins 29 pays membres, mais rassurez vous, la Turquie en sera toujours exclue.

On peut gloser à l'infini sur le cas turc. Mais son intérêt principal pour nos élites est d'être l'arbre qui cache la forêt de questions que soulève le projet européen. Car de deux choses l'une, soit l'Union est une zone de libre échange à vocation économique et dans ce cas, il n'y a aucune raison de s'arrêter aux frontières théoriques d'un continent qui n'existe pas, soit elle est un espace ayant un projet politique, une ambition géopolitique porteuse de valeurs que l'on voudrait universelles.Mais dans ce cas l'Europe ne peut être chrétienne. En outre, de tels projets l'Europe est dépourvue. Le principe de refuser a priori la Turquie ne tient donc pas la route.

L'UE, comme notre Ayatollah préféré, ont préféré désigner un cheval de Troie (celui qui risque d'introduire les hordes d'islamistes fondamentalistes au coeur de l'Europe...comme s'il avaient besoin de cela d'ailleurs).

Au fait, Troie, c'est pas en Turquie par hasard ? Merde pour un récit fondateur de l'identité européenne, on aurait pu trouver mieux.






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