L'Europe d'abord.
Si on se penche sur les résultats de ces élections au niveau européen, il faut d'abord retenir un chiffre : tout juste 2 européens sur 5 se sont déplacés. Ce que cela ne veut pas dire que :
1/ Les Européens ne comprennent pas l'UE
2/ La démocratie européenne se porte mal.
En réalité cela montre l'incapacité à construire une Europe démocratique. Les objectifs du processus d'intégration se révèlent contraires à celui de la démocratisation. C'est ce gouffre que les citoyens européens ressentent d'abord. L'opinion européenne existe d'ailleurs sur ce seul point : l'UE n'est pas le lieu de la démocratie, elle n'a pas vocation à l'être. La cogestion entre la droite et la gauche européennes amène ce constat désabusé : La démocratie ne doit pas relever du consensus mais s'apparenter à la tyrannie de la majorité, et il ne saurait en être autrement.
Un essai de lecture européenne des résultats
Cela explique l'effondrement des sociaux démocrates (incapables de transformer l'UE donc électeurs qui s'enfuient) et la stagnation de la droite traditionnelle. Le vote contestataire de droite est puissant à l'Est (dans les 12 derniers entrants) et dans les pays nettement européophobes de l'Ouest(GB /Flandres- Pays Bas / France dans une moindre mesure). Le vote contestataire de gauche réalise ses plus beaux scores à l'Ouest (Pour faire simple, ceux qui n'ont pas connu le communisme) A l'Est, le vote d'extrême gauche n'est que la fin de la comète communiste. Il n'y a pas de place pour l'heure pour une gauche radicale non communiste dans ces pays. En Europe orientale la contestation du système se traduit par l'extrémisme de droite. Partout ou presque, le vote a sanctionné le pouvoir mais plus nettement là où les socio- démocrates l'occupent.
La poussée écologiste est surtout sensible à l'Ouest. L'ancien Est soviétisé demeure un inconditionnel partisan productiviste : "Avoir des usines c'est la santé, polluer c'est le signe de la croissance et du plein emploi". Les opinions publiques n'y sont pas animées de cette fabuleuse croyance en la "croissance verte" qui semble avoir animée les coeurs de la frange boboïsée des citoyens de l'Ouest européens (sauf dans les pays latins). La cartographie du vote écolo se limite en fait au quart nord ouest de l'Europe soit dans les pays les plus riches. L'écologie devient l'idéologie dominante de ceux qui se peuvent se payer le luxe de ne plus en avoir. C'est en effet dans les pôles urbains les plus riches d'Europe que le vote écologiste est le plus fort : Paris intra muros, Bruxelles, Berlin... Or, il n'est pas certain que l'on puisse faire accepter l'idée à celui qui souffre (ou à celui qui profite le moins) qu'il faille s'occuper de la santé de la planète avant la sienne.
Les 40 % d'européens qui ont voté ont envoyé le message suivant : Une majorité dit : autant continuer ainsi. Une minorité espère tout foutre en l'air. Les 60% d'européens qui n'ont pas voté ont dit : Cela ne présente aucun intérêt, de toute façon rien ne changera.
En Europe donc, rien ne changera dans l'orientation. Mais les forces centripètes : abstention, euro scepticisme, populisme et nationalisme sortent grands vainqueurs. Le"grand tout" va continuer à s'élargir, à se scléroser sur une base toujours plus étroite et sceptique. Le parlement européen est plus éclaté que jamais, il va devenir plus difficile de le gouverner.
Honnêtement je ne vois pas ce qui pourra faire qu'un jour ces élections retiennent plus l'attention des peuples européens. Le taux d'abstention ne cesse d'augmenter alors que le pouvoir de Bruxelles croît parallèlement.
La France maintenant
Une élection sans vainqueurs
Pour la petite histoire l'UMP fait le score du PS en 2004 et inversement. Modem+Verts en 2009= 25% UDF+verts en 2004= 20% Front de gauche = PCF en 2004 FN 2009 -2.5 % Libertas 2009= MPF 2004
Ces élections sont le miroir de celles de 2004. Aux extrêmes pas ou peu de changement. Pour les modérés le grand chambardement.
L'UMP derrière les façades n'est pas si satisfaite. Moins de 28% pour la "majorité" c'est un peu court. Peu de réserves chez Libertas ou le FN. Sa réserve de voix est chez les abstentionnistes mais si ce score est flatteur dans une élection proportionnelle à un tour, il peut inquiéter dans la perspective des régionales. Moins de 5 millions de personnes ont soutenu l'action du président hier. C'est pour cela que le pouvoir va sans doute se contenter d'un remaniement a minima, ne pas prendre de risque tout en affirmant "poursuivre l'ouverture" et mener des "réformes".
Les Verts seraient ainsi les grands gagnants. Dans les semaines à venir il est probable que certains de leurs leaders reçoivent des coups de fil de l'Elysée, "un p'tit maroquin ?" Leur succès est en trompe l'œil. L'unité des verts est fragile, plus exactement elle a été faite pour ces élections. D'autre part, les Verts ont toujours eu leurs meilleurs scores lors des Européennes. Ces élections ne font pas des Verts la deuxième force de gauche en France. Les raisons de leur succès électoral sont diverses : Porteurs d'un message qui s'inscrit naturellement dans le cadre européen, des personnalités nombreuses et variées (du repris de Justice au juge en passant par l'anarchiste repenti )qui ont pu personnaliser cette élection, la diffusion du documentaire "Home" sur France2, l'altercation Bendit-Bayrou...). Mais Europe Ecologie n'a pas de militants, de revenus, d'élus, de députés en nombre suffisant. Et ils sont tout aussi partagés sur la question économique : entre adeptes de la décroissance plus protectionnistes et libre échangistes apôtres de la croissance verte. Enfin et surtout, cette union n'avait pas vocation à durer ailleurs qu'au parlement européen. Les Verts sont "dépassés" par leurs score et vont retomber dans l'anonymat dès l'Automne, au plus tard lors des régionales de 2010.
Le Modem rate le coche faute de n'avoir pas su séduire à droite par un Bayrou trop clairement dans l'opposition et d'avoir été siphonné par les écolos dont l'absence de marqueur idéologique clair a pu séduire une partie des électeurs du Bayrou version 2007. L'avenir politique de Bayrou n'est pas encore obstrué mais le Modem, trop hétéroclite, risque de sombrer.
Le front de gauche connaît un succès mitigé. Il réalise un peu mieux que le PCF en 2004, mais atteint tout juste les 6%. Il est au niveau du FN et devance le NPA. Il voulait faire chuter le PS, ça s'est fait, mais sans lui. Donc plus d'alternative, s'il veut survivre il devra se contenter d'être une force d'appoint pour une gauche en reconstruction, il doit oublier la recherche d'alliance avec le NPA. Problème, ses relations avec des Verts requinqués sont conflictuelles. Il reste dépendant de la recomposition qui s'annonce au PS.
Le PS se prend une veste, une belle veste mais peut être insuffisante : il reste le pivot de la gauche en dépit de la profondeur de la crise qui l'affecte. Ce que l'appareil du parti risque de faire est une nouvelle fois de temporiser. Le rapprochement avec Bayrou de son aile droite n'est plus possible dans l'immédiat au vu du score calamiteux du Modem. Son aile gauche est décapitée, Hamon n'est pas réélu. Cependant le grand manitou Emmanuelli n'envisage pas de quitter le navire. L'aile gauche est affaiblie et paralysée. Royal n'interviendra sans doute pas directement, elle est dans un autre tempo, et surtout Aubry a très peur d'esquisser tout mouvement. Ce qu'il risque d'advenir pour les mois à venir est une mise sous tutelle encore plus forte d'Aubry, un renforcement des royalistes à la direction. Histoire d'aller unis au massacre des régionales l'année prochaine. Après cette nouvelle défaite, nous assisterons à l'éviction d'Aubry et à une nouvelle nuit des longs couteaux.
Prêtons nous à rêver, les socialistes les moins autistes comprennent que le dernier avertissement a sonné. Le pot pourri qui sert de viatique au PS n'est décidément plus digeste pour les électeurs. On remet tout à plat et on discute du fond par le biais de grandes assises du PS, ouvertes. On constate alors que sur nombre de sujets, les opinions divergent (sécurité, immigration, Europe, laïcité, services publics, libre échange, protectionnisme...) On pose une plaque commémorative à Solférino "Ici gît le PS, nous ne le regretterons pas" signé "les socialistes et les libéraux". Recomposition de la gauche entre "démocrates-écolo" et "socialistes". Recherche d'accords en vue de gouverner et organisation de primaires de toute la gauche en vue des présidentielles.
Un programme, une stratégie, un leader. Finalement c'est tout ce qu'il manque. Mais l'occasion est trop belle pour ne pas s'en saisir : Débattons, enfin.
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