Oui essayons d’imaginer un métier où vous devez satisfaire environ 160 clients par semaine. Toutes les deux semaines, l’examen du dossier de chaque client, vous prend dix minutes. Vous êtes contraints d’effectuer ce travail chez vous car vous ne disposez pas de bureau sur votre lieu de travail. Imaginons également que la famille proche de ces clients doit aussi être satisfaite du service rendu. Précision : vous ne choisissez pas votre clientèle, et vous ne pouvez en changer en cours de route. Celle-ci peut être courtoise, parfois vulgaire et injurieuse, ou même violente physiquement. En cas de difficulté, vous n’avez pas accès à la médecine du travail.
On pourrait même envisager que ce métier exige que vous retraciez chaque soir sur le net le compte-rendu de vos entretiens avec vos clients. Ce job serait ainsi le premier à être parfaitement transparent, un peu à l’image du panoptique de Foucault. Mettons également l’hypothèse que chaque année l’employé devra établir son parcours annuel prévisionnel. Mais quel peut bien être ce métier mystère où le travailleur est à ce point infantilisé ?
Prêtons nous à rêver en fantasmant que ce métier est aussi évalué au quotidien par deux personnes, qui ont la haute main sur vos horaires de travail et leur aménagement. La progression salariale serait également lente et soumise à un autre évaluateur, qui vous connaît très mal. Celui-ci viendrait à intervalles irréguliers mais toujours très espacés. Avant de vérifier la qualité de votre travail, il papoterait quelques instants à votre sujet, dans votre dos évidemment, avec l’un des deux chefs déjà évoqués.
Ah, je risquais d’oublier quelques menus détails : vous avez une probabilité toujours plus grande d’exercer sur plusieurs lieux de travail, sans être remboursé de vos frais de déplacement et sans disposer de tickets restaurants. On pourrait aussi corser le tout en disant que l’employeur est seul maître de vos jours de congés. Et comme décidément ils n’en valent pas la peine, on leur supprimerait toute formation initiale. Quant à la formation continue, elle se raréfie et devient quasi inaccessible. On leur proposera donc de se former sur leur temps de vacances.
L’exercice de ce métier vous rapporterait la bagatelle de 16 KEuros annuels, soit un salaire mensuel d’environ 1350 euros, assorti d’aucune prime ni de treizième mois. Imaginons aussi qu’il faille être détenteur d’un master soit un bac plus 5 pour prétendre à l’exercice de ce métier. Cela donne envie ?
Oui ? Alors continuons : Imaginons que ces employés soient livrés en permanence à la vindicte populaire, qu’on les accuse d’être des nantis paresseux, qui coûtent trop cher. Imaginons qu’on en vienne à les noter professionnellement en fonction de la réussite dans la vie de leurs clients. Imaginons que le président de leur pays dise d’eux qu’ils ne pourront jamais égaler le curé…
C’est le métier dont rêvent tous les libéraux du monde entier qui se dépeint progressivement sous vos yeux. C’est pourquoi, sans doute, on dit de lui que c’est le plus beau métier du monde.
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